Pourquoimon lapin court comme un fou ? Les lapins sont des animaux affectueux. GĂ©nĂ©ralement, ils veulent ĂȘtre mĂ©langĂ©s, ramassĂ©s, fabriquĂ©s mais pas seulement comment. certains se laissent porter sur le dos,
BabolatPerdreauNombre de messages 71Age 47Localisation CommingesDate d'inscription 30/10/2016Y a t il parmi vous des personnes qui chassent le lapin avec un chien d'arrĂȘt, et comment faire ???Chez moi il y a des ronciers et des graviĂšres un peu partout et chaque fois que je chasse dans le coin mon chien devient fou tellement il y a des odeurs ... Pour en avoir vu plusieurs fois entrevue plutĂŽt, je suis certain de mon fait mais mon braque est bien trop inexpĂ©rimentĂ© et le biotope trĂšs difficile pour lui car des ronces Ă©paisses le refroidissent malgrĂ© sa volontĂ©... y a t il des astuces dans ce cas pour arriver Ă quelque chose ? Merci babouCerfNombre de messages 1347Age 41Localisation bretagne PLENEE JUGONDate d'inscription 05/02/2015Bonjour, achĂšte un Ă©pagneul bretonđfabrice13CerfNombre de messages 2153Age 51Localisation RognacDate d'inscription 16/12/2015Il est trĂšs difficile de voir du lapin avec un chien dâarrĂȘt dans les endroits plutĂŽt les coins ou ton chien pourrait rentrĂ© ou alors prend un petit courant lolBondikaSanglierNombre de messages 611Age 28Localisation 01Date d'inscription 21/05/2013Ou alors, tĂŽt le matin, essaye de faire le bordures des ronciers, il y a parfois des lapins qui se calent dans les hautes herbes... dav38CerfNombre de messages 1258Age 47Localisation isereDate d'inscription 06/10/2015mois mĂȘme je chasse le lapin au chien d arrĂȘt je le chasse avec un Ă©pagneul est un drahthaars, apparemment tu est comme mois il y a beaucoup de roncier je te cache pas que c est trĂšs compliquer quand tu a des chien de grande taille c est pour sa que mon Ă©pagneul joue un rĂŽle important lui il se faufile sous les ronces il adore sa en plus est le lapin c est vraiment son gibier de prĂ©dilectionquand tu a un chien comme le tien il faut chasser le matin de bonheur quand personne n et passer ou a midi il y a plu personne a la chasse et le soir il sorte pour manger est Ă©vite de mettre une clochettes aussi car a force dans entendre il ont tĂŽt fait de retourner dans les ronciers ou les terrier mais le meilleur pour chasser le lapin c est au chien courant il y a pas photo, mĂȘme si c est plaisant au chien d arrĂȘt au courant sa reste de la vrais chasse au lapin vendĂ©enCerfNombre de messages 5903Age 74Localisation vendĂ©e cĂŽteDate d'inscription 10/03/2013_________________Guy, alias "vendĂ©en" Ce n'est pas parce que l'homme a soif d'amour qu'il doit se jeter sur la premiĂšre gourde ...BabolatPerdreauNombre de messages 71Age 47Localisation CommingesDate d'inscription 30/10/2016A retenir donc de bonne heure et les ronciers les plus "aĂ©rĂ©s"... La chance que j'ai est d'avoir un chien qui ne craint pas l'Ă©pine jusqu'Ă une certaine limite ceci dit et est trĂšs pas mal de lapin chez moi est c'est une forme de palliatif pour lui au manque de gibier Ă plumes de messages 4876Age 73Localisation 69830 saint georges de reneinsDate d'inscription 22/07/2013Tu as bien de la chance d'avoir bien du lapin chez toi car chez nous il a pratiquement de messages 71Age 47Localisation CommingesDate d'inscription 30/10/2016 charles01 a Ă©critTu as bien de la chance d'avoir bien du lapin chez toi car chez nous il a pratiquement disparu. Oui, mais je me fais un peu de soucis, les deux derniers que j'ai vu avaient la maladie..._________________charles01CerfNombre de messages 4876Age 73Localisation 69830 saint georges de reneinsDate d'inscription 22/07/2013Merci aux grands scientifiques. dav38CerfNombre de messages 1258Age 47Localisation isereDate d'inscription 06/10/2015 Babolat a Ă©crit charles01 a Ă©critTu as bien de la chance d'avoir bien du lapin chez toi car chez nous il a pratiquement disparu. Oui, mais je me fais un peu de soucis, les deux derniers que j'ai vu avaient la maladie... nous aussi l annĂ©e passer il on choper la mixo est cet annĂ©e ils on bien du mal a revenir dav38CerfNombre de messages 1258Age 47Localisation isereDate d'inscription 06/10/2015 charles01 a Ă©critMerci aux grands scientifiques. +10 oui c est sursaintongeBĂ©casseNombre de messages 167Age 71Localisation saintes charente-maritimeDate d'inscription 17/11/2015 dav38 a Ă©crit charles01 a Ă©critMerci aux grands scientifiques. +10 oui c est sur ???Qui propage la maladie ? Les scientifiques ou ceux qui ont intĂ©rĂȘt Ă faire disparaitre le lapin ? RĂ©ponse quelques gros ne mets pas en cause l'ensemble de la profession, seulement une toute petite minoritĂ© que la cupiditĂ© pousse Ă tous les crimes myxo, pesticides sans retenue, arrachage de haies, monoculture, poison dissĂ©minĂ© sur leurs terrains oĂč ils prĂ©tendent pouvoir faire ce qu'ils veulent !!!J'ai souvent entendu par chez moi "LĂ oĂč Machin cultive de nouvelles terres, le lapin disparait". Depuis peu, le Machin en question a Ă©tendu son exploitation terme trĂšs juste, il exploite la terre sans aucun mĂ©nagement dans un nouveau secteur riche en lapins. L'annĂ©e suivante, peu de lapins. Celle d'aprĂšs, il est rarissime. L'an prochain ce sera le dĂ©sert. Pas le moindre dĂ©gĂąt = + de bĂ©nĂ©fices = possibilitĂ© de frimer dans un 4x4 encore plus gros et plus polluant. Elle est pas belle la vie ?braque vendĂ©enCerfNombre de messages 1700Age 34Localisation VendĂ©eDate d'inscription 01/12/2016Salut l'ami depuis que je chasse j'ai toujours eu des chiens dâarrĂȘts braque allemandNous chassons le lapin avec mĂȘme si ce n'ai pas leurs prĂ©dilections mais nĂŽtre biotope est diffĂ©rent du tien Mon collĂšgue qui prĂ©fĂšre le lapin mais qui ce fait rare chez nous a choisi un KORTHAL qui est trĂšs polyvalent, si ton chien n'a pas l'habitude et que celui-ci devient "foufou" laisse lui le temps de s'habituer aux Ă©manations un braque ne se "dĂ©clare" pas Ă 6 mois Sinon tu peux toujours de mettre Ă la pĂȘche _________________STEVE braque vendĂ©enCerfNombre de messages 1700Age 34Localisation VendĂ©eDate d'inscription 01/12/2016 dav38 a Ă©critmois mĂȘme je chasse le lapin au chien d arrĂȘt je le chasse avec un Ă©pagneul est un drahthaars, apparemment tu est comme mois il y a beaucoup de roncier je te cache pas que c est trĂšs compliquer quand tu a des chien de grande taille c est pour sa que mon Ă©pagneul joue un rĂŽle important lui il se faufile sous les ronces il adore sa en plus est le lapin c est vraiment son gibier de prĂ©dilectionquand tu a un chien comme le tien il faut chasser le matin de bonheur quand personne n et passer ou a midi il y a plu personne a la chasse et le soir il sorte pour manger est Ă©vite de mettre une clochettes aussi car a force dans entendre il ont tĂŽt fait de retourner dans les ronciers ou les terrier mais le meilleur pour chasser le lapin c est au chien courant il y a pas photo, mĂȘme si c est plaisant au chien d arrĂȘt au courant sa reste de la vrais chasse au lapin Je confirme _________________STEVE BabolatPerdreauNombre de messages 71Age 47Localisation CommingesDate d'inscription 30/10/2016Mon chien en a remontĂ© une paire derniĂšrement mais il part comme un avion derriĂšre, impossible de tirer, je n'ai mĂȘme pas levĂ© le fusil bien trop dangereux, ça va trop chaque fois c'Ă©tait en fin de journĂ©e Ă 30-40m du couchĂ© du de messages 34Age 68Localisation haute garonneDate d'inscription 03/03/2015Salut Babolat venant a te repondre je chasse depuis plus de 40 ans avec des epagneuls breton autant la plume ou je viens de faire l'ouverture de la caille 14 levees 6 prelevees avec 4 heures de chasse mais un plaisir sur les arrets une passee .Quand aux lapins quelques un autour de chez moi avec quelques garennes que je reconstruit chaque sur le lapin ou sur le lievre ne me font que tres peu d'arret par contre des que je vois qu'il la senti et qu'ils foncent dans des buissons regarde a 8 a 10 metres devant lui car le lapin a deja de l'avance avec un demi choke plomb 6 ou un dispers .Toujours avant la pluie ou le matin l'hiver avec du soleil les bons moments sont de messages 141Age 69Localisation haut de france Date d'inscription 27/07/2017bonjour Ă tous, je chasse le lapin depuis de nombreuse dĂ©cennie et avec toujours autant de passion !!! je suis issu d'une famille de chasseur de lapins "de pĂšre en fils" j'ai commencĂ© Ă chasser jeune avec un corniaud "tomy" dans les gĂȘnes de ce chien il y'avait de tout, mais en particulier des gĂȘnes de tueur de lapins et de rats. quel chien mes amis que mon Tomy. aucune ronce, aucune Ă©pine ne le faisait reculer il n'avait peur de rien mon oreilles, la truffe les pattes, le poil en sang il continuait de plus belle. le lapins, le rat,ou tout autre bestiole ne devez leur salut qu'Ă la fuite,sinon il les croquait mon a moi la rapiditĂ© Ă©tait de rigueur sinon tomy faisait le score Ă lui seul .je peux dire que le chien Ă former le jeune chasseur que j'Ă©tais en ce temps la .tomy est le seul chien qui a marquĂ© mon esprit pour longtemps et restĂ© le meilleur aux lapins. que st Hubert le garde dans son royaume Ă©ternel labalainPalombeNombre de messages 536Age 68Localisation landesDate d'inscription 31/10/2012Mon premier chien un Ă©pagneul breton, adorer la chasse du poil; lapin, liĂšvre, chevreuil par contre il ne tenait pas longtemps lâarrĂȘt sur la plume. Comme dit plus haut lorsqu'il rentrait dans les broussailles, tu pouvais regarder 10 mĂštres plus loin et commencer Ă je chasse le lapin avec mon cousin qui possĂšde trois beagles et pour la bĂ©casse, j'ai un nouveau chien, un braque d'Auvergne de 1 an et 2 CANAL HISTORIQUEBabolatPerdreauNombre de messages 71Age 47Localisation CommingesDate d'inscription 30/10/2016VoilĂ un moment que je n'Ă©tais pas venu, merci pour les diverses cette saison risque d'ĂȘtre morose car le 19 juillet dernier mon compagnon Ă quatre pattes s'en est allĂ©... Du coup je ne chasse pas vraiment car le "cul levĂ©e" c'est sympa cinq minutes mais bon, quand on a connu la quĂȘte avec son chien, c'est un peu me poste un peu et je fais quelques battues mais le cĆur n'y est plus sait que ce chien m'a parfois rendu fou, mais il me manque horriblement, c'est la vie..._________________Permission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forum
1Mon chat court à la maison comme un fou, pourquoi? 2 Supprimer les prédateurs; 3 ProblÚmes digestifs; 4 Nettoyage intérieur; 5 Et si mon chat courait comme un fou la nuit? 6 Brûler de l'énergie; 7 Puces; 8 Hyperesthésie féline; 9 Regarde la vidéo: [Minecraft] court métrage saison 1 épisode 1 mon chat robot
Fou comme un lapin Par Joy Sorman On longe un imposant mur dâenceinte, une barriĂšre se lĂšve, on passe une grille, puis câest un sas vitrĂ©, on est maintenant dans un parc que dĂ©limitent des rangĂ©es de platanes, des allĂ©es bitumĂ©es, on marche encore, des silhouettes fument sur un banc, un lointain crachin sonore sâĂ©chappe dâun portable, on laisse derriĂšre soi le salon de coiffure, la blanchisserie, la cafĂ©tĂ©ria, lâaumĂŽnerie, la salle de sport, le local syndical, lâatelier dâergothĂ©rapie, et tout au bout se dresse le pavillon 4B, son jardinet, sa clĂŽture, ses doubles fenĂȘtres occultĂ©es et sa lourde porte mĂ©tallique qui ouvre sur un couloir dâhĂŽpital. Une porte et un couloir, ces deux Ă©lĂ©ments signalent immĂ©diatement lâinstitution. Je comprendrai plus tard leur importance dans le couloir, dâabord, on fait les cent pas, on racle le sol, des allers-retours pour desserrer lâĂ©tau de la maladie, on sâimmobilise aussi, on stagne, on squatte. Pendant que dâautres, dans ce mĂȘme couloir, surveillent, font des rondes. Puis la porte, quâon ferme Ă clĂ©, quâon claque, devant laquelle on patiente, contre laquelle on sâacharne, on tambourine, on cogne, avec son poing ou sa tĂȘte, quâon veut Ă tout prix ouvrir, Ă tout prix fermer. Qui Ă la fois protĂšge et enferme â certains Ă©touffent de la voir close, dâautres paniquent de la voir ouverte, sur lâhostilitĂ© du monde extĂ©rieur. Ici, ce qui frappe dâemblĂ©e quand on y entre pour la premiĂšre fois câest lâodeur, elle flotte en nappes Ă©paisses, une odeur de collectivitĂ© et de macĂ©ration, de chou bouilli et de dĂ©tergent, de sauce refroidie et dâinquiĂ©tude, Ăącre, insistante â une odeur dâenfermement. La chaleur aussi, Ă©touffante, peut-ĂȘtre parce que ceux qui vivent lĂ se tiennent quasi immobiles, alors on pousse les radiateurs Ă fond, on tĂąche de maintenir la tempĂ©rature des corps ankylosĂ©s Ă 37 degrĂ©s. Maintenant le regard panote et sâarrĂȘte sur une enfilade de portes aux lucarnes opaques, un faux plafond rĂ©sistant Ă lâincendie, des spots encastrĂ©s, une lumiĂšre sans contrastes, une plante verte qui a lâair fausse, on ne sait pas. Je reconnais une mĂ©lodie de Bob Marley, elle vient du fond du corridor, la derniĂšre porte est entrouverte, je vois bientĂŽt dĂ©passer un pied nu et potelĂ© de femme, qui nâira pas plus loin, et dont la fixitĂ© mâimpressionne â un pied menaçant, rĂ©probateur, ironique ; je nâimaginais pas quâun pied puisse ĂȘtre aussi expressif. Plus loin, un homme en survĂȘtement marine floquĂ© du logo de lâhĂŽpital tourne lentement en rond, ne rend ni bonjour ni sourire ; il dĂ©ambule, est-ce que dĂ©ambuler apaise ou ralentit la folle activitĂ© de son cerveau ? VoilĂ une premiĂšre impression. La seconde ce sont des figures enrayĂ©es, aux gestes suspendus ou hachĂ©s, des chaussons qui glissent, des voix pĂąteuses, des Ă©locutions empĂȘchĂ©es, des mots heurtĂ©s, des ventres Ă la proue ou creusĂ©s, des bouches abĂźmĂ©es, salivantes, des corps trop secs ou trop lourds, voĂ»tĂ©s, Ă©paissis par les mĂ©dicaments, des regards fuyants, torves ou plantĂ©s comme des flĂšches empoisonnĂ©es, des faciĂšs figĂ©s par la chimie, des mains mangĂ©es, et une infirmiĂšre qui arrache les mauvaises herbes du jardin, soigne les trois roses et lâunique tulipe. Il y aura dâabord lâimpossibilitĂ© de voir autre chose, puis il y aura une multitude dâimpressions, plus contrastĂ©es, plus subtiles, plus riches, encore plus sinistres et beaucoup plus joyeuses. Et surtout il y aura Franck. Franck est bien connu au pavillon 4B, il y fait des sĂ©jours rĂ©guliers depuis plus de 20 ans, de lâappartement de sa mĂšre au centre de crise, de lâhĂŽpital de jour au foyer dâaccueil mĂ©dicalisĂ©, puis retour Ă la case dĂ©part, en service fermĂ©. Il a 40 ans, on me dit quâil est schizophrĂšne chronique et la premiĂšre fois que je le rencontre il vient de passer un mois en chambre dâisolement, il en est sorti une heure plus tĂŽt. Jâaime immĂ©diatement son allure christique â cheveux aux Ă©paules, bras Ă©cartĂ©s pour saluer, pieds nus, ongles dĂ©mesurĂ©ment longs, regard franc qui enveloppe les choses et les hommes dans une mĂȘme douceur, gestes ralentis sous lâeffet des mĂ©dicaments, de lâisolement et de la contention, et peut-ĂȘtre aussi dâune infinie prĂ©caution. On ne lui a pas rendu ses chaussures de peur quâil sâenfuie, et il porte encore son pyjama anti-suicide de papier bleu. Je suis frappĂ©e par ce vĂȘtement qui nâen est pas un, qui nâhabille aucun corps, couvre Ă peine â Franck est comme nu, câest ainsi que je le vois. Jâapprendrai bientĂŽt que le pyjama est un rouage essentiel de lâhĂŽpital psychiatrique. On est internĂ© Ă la demande dâun tiers ou sur dĂ©cision du reprĂ©sentant de lâĂtat, on est rĂ©calcitrant, on proteste alors on est dĂ©shabillĂ©, dĂ©pouillĂ© de sa vie dâavant, de sa vie dehors, de son enveloppe, et mis en pyjama, couvert de la tenue de lâinstitution, livrĂ© Ă elle. Le pyjama signale une rupture, signale la maladie, signale ou plus souvent impose le consentement au soin, lâentrĂ©e dans la psychiatrie, signale que tout change Ă cet instant oĂč lâon enfile le vĂȘtement bleu ciel anonyme, le mĂȘme pour tous, signale le lit, la position allongĂ©e, le sommeil et aussi lâinsomnie, la faiblesse, lâabandon, la rĂ©gression. AprĂšs le pyjama il y aura le survĂȘtement de lâhĂŽpital, pratique, ample, qui marque une Ă©volution, un progrĂšs, un petit pas vers la rĂ©appropriation de son apparence, un pas de la nuit vers le jour, de lâapathie vers lâactivitĂ©. Puis un matin on vous dit que vous allez mieux, vous rĂ©cupĂ©rez vos vĂȘtements, vous vous habillez, la sortie est peut-ĂȘtre proche. Mais certains ne veulent pas quitter lâiconique pyjama, on leur rend leur jean, leur chemise, et ils veulent rester en pyjama, de peur quâon les chasse ou quâon les transfĂšre, ils se sentent bien trop friables, bien trop inquiets pour sortir, il nây a rien pour eux dehors, cela leur va dâĂȘtre ici, ils se sont habituĂ©s Ă la nourriture et prendraient trĂšs mal quâon veuille se dĂ©barrasser dâeux. Les paroles rassurantes et les promesses nây font rien, alors parfois ils lacĂšrent, dĂ©chirent ou souillent leurs vĂȘtements afin quâon leur rende le fameux pyjama Ă boutons pression, ou la chemise de nuit Ă fleurs mauves et jaunes, pour les femmes que le bleu douteux de lâhĂŽpital rebute. Franck, lui, a hĂąte de rĂ©cupĂ©rer son sweat Ă tĂȘte de loup, son jean blanc trouĂ© aux genoux et ses pendentifs tribaux. Franck a enfilĂ© une polaire sur le pyjama en papier crĂ©pon, une paire de claquettes de piscine, propose de sâasseoir dans la salle tĂ©lĂ©, et raconte volontiers en iso, la premiĂšre semaine on croit quâon va mourir, et puis on sâhabitue, ça va. Et comment on occupe ces longues journĂ©es enfermĂ©es ? Je me fais des dĂ©lires cosmiques, vous savez je suis schizo et parano au dernier stade. Câest quoi le dernier stade ? Est-ce quâil nây a pas toujours un stade au dessus, quâon nâimaginait mĂȘme pas ? Le stade encore au-dessus, le stade ultime, câest moi en objet cĂ©leste aspirĂ©, englouti et dissous dans un trou noir. Puis Franck raconte une vie de peine et de violence sur un ton Ă©quanime petit jâĂ©tais dyslexique et mon pĂšre me tabassait ; comme il Ă©tait mĂ©decin, il savait exactement oĂč taper pour que cela laisse le moins de traces possibles. Il me cognait pour un oui ou pour un non, parce que jâavais utilisĂ© trop de papier toilette. Ma mĂšre buvait, deux bouteilles de porto par jour, ça peut vous paraĂźtre beaucoup mais dans son village câĂ©tait la norme, la dose habituelle, tout le monde buvait ça. La derniĂšre fois que mon pĂšre mâa frappĂ© jâavais 13 ans et câĂ©tait un 14 juillet, le sang a giclĂ©, je me suis rebellĂ©, jâĂ©tais devenu grand et fort, jâai eu le dessus. Mais je nâai jamais dĂ©noncĂ© mon pĂšre, jâai toujours gardĂ© ça pour moi, je ne voulais pas quâon mâenvoie Ă la Ddass. Dâailleurs, je ne lui en veux pas, jâai juste parfois un peu de rancĆur, il vient me voir Ă lâhĂŽpital, il mâapporte des clopes ; jâaime mes parents câest comme ça, on ne peut pas mâenlever cet amour. VoilĂ , aprĂšs cette mauvaise pĂ©riode, jâai passĂ© un CAP paysagiste jardinier, jâĂ©tais trĂšs bon en taille dâifs, jâai travaillĂ© quelque temps au service espaces verts et ça mâa lassĂ©, alors je me suis dit pourquoi pas chasseur alpin, mais la semaine prĂ©cĂ©dant lâexamen je ne dormais pas, je fumais du shit en regardant la tĂ©lĂ©, jâai pĂ©tĂ© les plombs et tout ça sâest terminĂ© Ă lâHP, jâavais 19 ans, câĂ©tait mon premier sĂ©jour. Jây suis restĂ© deux ans. Quand je suis sorti jâai rencontrĂ© une fille, je ne travaillais pas, jâĂ©tais asocial de toutes façons, alors je me suis installĂ© chez elle. On Ă©tait bien, je lui cuisinais des pĂątes Ă la carbonara, des cuisses de grenouille et du rosbif, et on est mĂȘme descendus Ă Cannes en vacances. Ma copine Ă©tait nympho mais je mâen foutais. Ăa a tenu comme ça plusieurs annĂ©es et un jour, Ă nouveau, jâai fumĂ© trop de shit, mes yeux sont partis Ă lâarriĂšre de ma tĂȘte, ils se sont collĂ©s au fond de mon crĂąne et ils me regardaient, ils me surveillaient, câĂ©tait insupportable. Jâavais trop de dĂ©lires en moi, et aussi le cadavre dâun jumeau que jâavais avalĂ© dans le ventre de ma mĂšre parce que jâĂ©tais le plus fort des deux, le plus volontaire. Trop de dĂ©lires en moi et des morceaux de moi qui sâĂ©parpillaient, mon estomac qui disparaissait, mon ventre qui devenait creux, trouĂ©. Il va mieux maintenant, touche, regarde comme il est bien bombĂ©. Trop de dĂ©lires en moi et un ectoplasme qui mâespionnait, me suivait partout en silence, glissait sur les murs, le plafond, le sol. Tellement de dĂ©lires en moi quâil paraĂźt que jâai agressĂ© un patient en arrivant, parce quâil marchait avec mes jambes, il mâavait volĂ© mes jambes ce bĂątard. Franck marque une pause, rapproche sa chaise qui racle le carrelage, vĂ©rifie dâun coup dâĆil que personne ne nous Ă©pie, se penche Ă mon oreille, me le rĂ©vĂšle comme le plus prĂ©cieux des secrets, et je le reçois comme une grĂące tu sais, Ă un moment jâĂ©tais tellement pur que je mâallonge dans lâherbe et plein de marguerites se mettent Ă pousser autour de moi. Franck a les yeux luisants, jâai peur quâil se mette Ă pleurer, câest quâil a vu la beautĂ© de trĂšs prĂšs. Plus tard il me confiera un autre merveilleux secret, une dĂ©couverte jamais rĂ©vĂ©lĂ©e tant elle bouleverserait lâordre du monde, lâordre des sexes ; il mâapprend quâon a dĂ©couvert la premiĂšre sirĂšne mĂąle Ă©chouĂ©e sur une cĂŽte californienne. Sait-il seulement que les sirĂšnes sont la folie des marins ? Que leurs chants seraient aujourdâhui qualifiĂ©s dâhallucinations intrapsychiques ou acoustico-verbales ? Lors dâune prĂ©cĂ©dente hospitalisation Franck a trouvĂ© un hĂ©risson dans le parc de lâhĂŽpital, sous un banc, en boule au milieu dâun amas de canettes Ă©crasĂ©es et de mĂ©gots. Il avait lâair mal en point, Franck lâa dĂ©posĂ© dans le creux de sa main, a serrĂ© jusquâĂ saigner, a glissĂ© lâanimal dans la poche de son blouson et lâa ramenĂ© au pavillon 4B. Il le nourrira des reliquats de ses dĂ©jeuners en barquette, le cachera dans le faux plafond de sa chambre, lâutilisera pour ses cĂ©rĂ©monies vaudou. Quand Franck le contemplatif nâest pas Ă lâhĂŽpital, ni chez sa mĂšre, ni chez une fille, il est au zoo ; il y a trouvĂ© demeure, parmi les grands singes, les fĂ©lins et les serpents, il y a trouvĂ© protection et apaisement, matiĂšre Ă rĂȘverie, Ă dĂ©lires mystiques sâil a un peu fumĂ©, il y a trouvĂ© de quoi sâoublier et devenir animal, se fondre dans les bĂȘtes, surtout quand les humains sont trop effrayants avec leurs mots dâordre, leurs certificats mĂ©dicaux et leurs seringues Ă injection retard. Quand le fardeau dâĂȘtre nĂ© homme est vraiment trop lourd, quand il apparaĂźt avec certitude Ă Franck quâĂȘtre humain nâest pas un avantage mais plutĂŽt une malĂ©diction, il ne reste plus quâĂ fraterniser avec lâorang-outan de BornĂ©o, sâabĂźmer dans les reflets de son pelage roux, se dissoudre dans ses pupilles noires, sâenfuir agrippĂ© Ă son large dos, Ă©couter la musique de ses borborygmes, respirer lâhumus de sa cage, le terreau que Franck aimerait tant se reconstituer, couche aprĂšs couche, lentement dĂ©posĂ©es, sĂ©dimentĂ©es ; Franck qui se dĂ©crit comme une herbe folle arrachĂ©e Ă la va-vite, du chiendent Ă Ă©radiquer â sous ses pieds câest friable, câest instable, de la mauvaise terre, sĂšche et caillouteuse. EnfermĂ© Ă lâhĂŽpital, Franck a la nostalgie des bĂȘtes, et câest vrai que La chambre dâisolement et la cellule, la cage, on y pense. Le silence, lâarrachement, lâexclusion, on y pense. LâĂ©trangetĂ©, lâindĂ©chiffrable, on y pense. Lâennui, la mĂ©lancolie, le lointain, on y pense. Le dĂ©nuement, on y pense. La fascination, on y pense. Le miroir, on y pense. La manipulation du vivant, on y pense. Les pattes Ă©jointĂ©es pour quâils ne sâĂ©chappent pas, on y pense. Lâempathie, la protection de qui est menacĂ© on y pense aussi, on aimerait y penser davantage. Pendant deux semaines, chaque soir, Franck libĂšre le hĂ©risson de sa cachette, lui donne quelques pelures, de lâĆuf dur Ă©crasĂ© au fond de sa poche, gratte affectueusement son ventre rosĂ© puis installe lâanimal terrorisĂ© sur la table de nuit, dispose en cercle quelques pierres, turquoise, jade et quartz, et rĂ©cite la kabbale. Franck Ă©tudie aussi la numĂ©rologie et mâapprend que si on Ăąnonne 888 en boucle on rajeunit, que si on rĂ©pĂšte tao » pendant 3 heures allongĂ© sur son lit on entre immanquablement en transe. Franck est un chamane, il a dissimulĂ© en divers recoins de la chambre les objets nĂ©cessaires Ă ses cĂ©rĂ©monies. Il opĂšre la nuit, avec quelques bougies, le briquet volĂ© Ă une aide-soignante, un pendentif scarabĂ©e, une bague de templier, un petit bouddha en pierre de lune â autant de trĂ©sors qui ont miraculeusement Ă©chappĂ© Ă la fouille. La petite enceinte reliĂ©e Ă son portable diffuse de la trance Goa en sourdine. Au mur il a Ă©pinglĂ© les dizaines de dessins rĂ©alisĂ©s en ergothĂ©rapie, mandalas multicolores, dragons et fleurs vĂ©nĂ©neuses. En ergo, on incite Franck Ă dessiner, pour favoriser sa concentration, plutĂŽt quâĂ sculpter, une activitĂ© plus hachĂ©e, plus morcelĂ©e, qui convient moins Ă son tempĂ©rament versatile. Lors dâun prĂ©cĂ©dent sĂ©jour, Franck a pourtant sculptĂ© son sexe, une magnifique cĂ©ramique rose dressĂ©e, il dit que câest son sexe dâavant, avant dâentrer Ă lâhĂŽpital, avant quâon tue sa libido avec les traitements, il ajoute quâil compte bien retrouver son vĂ©ritable sexe en sortant dâici. Dâailleurs il a le projet dâĂ©pouser une sorciĂšre, une sorciĂšre sans famille, sans descendance ni ascendance, qui manie les pouvoirs du feu et de lâeau, rĂšgne sur les serpents et les araignĂ©es, une guĂ©risseuse qui soigne avec des plantes, la belladone et le perce-neige. En attendant, Franck pratique le vaudou et la magie blanche, celle qui Ćuvre pour le bien, et avec un hĂ©risson câest encore mieux. Mais au bout de deux semaines Ă vivre dans un faux plafond nourri dâĂ©corces dâorange et de trognons de pommes, la pauvre bĂȘte est morte. Franck lâa laissĂ©e pourrir et se dessĂ©cher quelques jours, puis lâa dĂ©posĂ©e devant la porte du psychologue pour lui jeter le mauvais Ćil. Je demande Ă Franck pourquoi il a passĂ© un mois en chambre dâisolement. Je me suis enfui, les infirmiers mâont coursĂ©, je me suis cachĂ© dans une poubelle, je voulais seulement prendre mes 500 euros Ă la banque et revenir, mais jâai achetĂ© du shit, je me suis envoyĂ© un whisky Ă 11 euros au comptoir, jâĂ©tais dĂ©foncĂ©, je me suis Ă©croulĂ©, je me suis fait dĂ©pouiller, les flics mâont ramenĂ©, ça nâa pas durĂ© longtemps cette petite promenade. La vĂ©ritĂ© câest que jâai fuguĂ© pour me faire tatouer, le Christ et Marie sur le bras gauche, câest pour ça que jâavais besoin des 500 euros. Pour me calmer, me punir plutĂŽt, on mâa mis dâoffice en iso. Mais parfois, quand je me fais trop peur, câest moi qui rĂ©clame lâisolement. Quand je suis en dĂ©lire, que je regarde intensĂ©ment le ciel et que je vois une multitude de points lumineux mobiles, comme des fĂ©es. Ou quand je sens que jâai le sexe tout mitĂ©. Et surtout quand je sens que je deviens loup-garou. Je vais apprendre que Franck est en SDRE, soins sans consentement sur dĂ©cision dâun reprĂ©sentant de lâĂtat, pour violences. Quâil a poignardĂ© le chien de sa mĂšre. Pourtant Franck raconte que câest lui qui est dĂ©jĂ mort 10 fois, poignardĂ© dans la rue par des passants, puis ressuscitĂ© â en rĂ©alitĂ© il ne dit pas je ressuscite, il dit je revis, et cela fait une grande diffĂ©rence, cela signifie que la vie est tapie en lui, quâelle ne tombe pas du ciel, quâelle nâest pas une grĂące ou un miracle, mais une ressource. Franck me raconte le loup-garou blotti dans ses intestins, mâassure que sâil ne prend plus ses mĂ©dicaments il redevient la bĂȘte, le fameux lycanthrope, que la conversion est immĂ©diate. Mais la malĂ©diction nâest pas tant dâĂȘtre loup-garou que dâendosser cette apparence effrayante quand ses pensĂ©es sont pures et son cĆur plein de bontĂ©. Franck, le tendre monstre, se dĂ©sole de faire peur aux passagers du mĂ©tro alors que sa transformation nâa pour objet que dâabsorber les ondes nĂ©gatives qui polluent les alentours. Mais comment ĂȘtre compris quand lâexpression de mon visage ne coĂŻncide pas avec la vĂ©ritĂ© de mes intentions ? Franck propose de me montrer sa face de loup-garou, un simulacre de mĂ©tamorphose, pour que je comprenne, que je fasse lâexpĂ©rience de la peur. En un Ă©clair il change dâexpression, ses yeux fixes exorbitĂ©s, il se met Ă trembler de tout son corps, crispe sa mĂąchoire, retrousse ses babines, sort les crocs, serre les dents Ă sâen faire pĂ©ter lâĂ©mail, souffle, crache, et cela dure, je baisse les yeux, il insiste, sa veine temporale palpite, le rouge monte au front, je nâai pas peur, peut-ĂȘtre parce que je suis Ă lâhĂŽpital et non sur le quai du mĂ©tro. Et Franck sâarrĂȘte net, rigole, satisfait de sa performance. Alors, tâas flippĂ© ? Mais si tu fais le fou Franck câest donc que tu ne lâes pas. Si tu simules la bĂȘte câest que tu es homme. Il me semble Ă cet instant que tu feins autant la folie que la raison. Que tu sais exactement oĂč tu te tiens, et tu es le seul Ă le savoir, peut-ĂȘtre ni dâun bord, ni de lâautre, ni dĂ©ment ni sage, quand moi jâai le vertige, je ne sais plus rien. Je crois que tu mâas eue Franck. Je crois aussi que je comprends mieux. Quand je demande au psychiatre pourquoi les visages des fous sont si expressifs, si contrastĂ©s, si grimaçants et inquiĂ©tants parfois, pourquoi les muscles faciaux, le muscle abaisseur de la lĂšvre infĂ©rieure et le muscle Ă©lĂ©vateur de lâangle de la bouche se contractent si puissamment, il juge ma question naĂŻve. Parfois, dans la rue, je croise ces regards noirs, accusateurs, ces pupilles fixes, ces sourires crispĂ©s ou ironiques, je perçois les spasmes, les nerfs sous la peau Ă©lectrique, je vois la pĂąleur de la colĂšre et je songe aux tempĂȘtes crĂąniennes, Ă la souffrance tapie sous lâos frontal, je pense Ă tout ce qui sourd Ă lâintĂ©rieur, quand le mĂ©decin Ă©voque tout ce qui sâabat depuis lâextĂ©rieur. Car la maladie, ou la folie â comment choisir le bon terme ? â la maladie ou la folie dĂ©truit toutes les protections, tous les filtres, tous les remparts qui tiennent le monde Ă distance, en respect, qui instaurent entre nos corps et la rĂ©alitĂ© une sorte de zone tampon, de pĂ©rimĂštre de sĂ©curitĂ© et de pudeur â quelques centimĂštres peuvent suffire, une brassĂ©e dâair, un souffle. Le fou câest celui qui se prend le rĂ©el en pleine gueule, la plus petite parcelle de matiĂšre fond sur lui comme une mĂ©tĂ©orite en feu, une goutte de pluie est dâacide, une poussiĂšre est poison, un coup dâĆil un coup de poignard. Rien ne le protĂšge, tout fait violence, les traits se dĂ©forment sous lâimpulsion dâune parole anodine ; le monde, les autres, les couleurs et les mouvements viennent sâimprimer directement au fer rouge sur le plan Ă vif de son visage. Sans dĂ©fense toujours, sans capacitĂ© de refoulement souvent, ça sort, ça jaillit, ça Ă©ructe, ça dit la vĂ©ritĂ© toute nue mĂȘme quand il sâagit dâaffabulations, ça ne trie pas, ça ne sĂ©pare pas le bon grain de lâivraie, câest Ă prendre ou Ă laisser, cette hyper-expressivitĂ©, cette augmentation de tout, ce bouleversement perpĂ©tuel. Le mĂ©decin mâexplique que les psychotiques sont comme marquĂ©s en continu par des micro-traumatismes. La moindre lumiĂšre brĂ»le leurs yeux, le moindre crĂ©pitement sonore dĂ©chire leurs tympans, câest un fracas phĂ©nomĂ©nal dans leurs tĂȘtes poreuses. Tout ce qui advient et entre dans leur champ de perception est vĂ©cu comme une commotion, une meurtrissure â une cuillĂšre qui tombe, un enfant qui hoquĂšte, peut-ĂȘtre cette mouche qui se pose contre un mur. Certains disent de Franck et de tous les autres quâils perdent le rĂ©el, quâils perdent le contact, quand câest lâinverse. Il y a plutĂŽt excĂšs de rĂ©el, ils en crĂšvent de ce rĂ©el trop proche, trop fort, trop grand, qui leur colle aux basques et au cerveau. Ă lâhĂŽpital gĂ©nĂ©ral on dit malade, patient, on dit diabĂ©tique, on dit cancer, hernie, fracture, hĂ©patite â les mots sont stabilisĂ©s. Ă lâhĂŽpital psychiatrique on dit aussi malade, patient, mais Ă©galement psychotique, bipolaire, schizophrĂšne, dĂ©pressif, et les mots ne sont pas si stabilisĂ©s, ils restent rĂ©vocables. Les mots sont parfois comme les corps, sous contrainte, et leur signification flanche au grĂ© des Ă©poques, la symptomatologie Ă©volue, les pathologies sont sociales, la psychiatrie est plus que toute autre discipline mĂ©dicale, interprĂ©tative, hypothĂ©tique. Nommer est une tĂąche ardue, ici plus quâailleurs. Et il sâagit dâĂȘtre vigilant puisque nommer câest ferrer, classifier, sĂ©dimenter. Et puis il y a ce mot fou. On le prononce, on ne le prononce pas. on est dâaccord, pas dâaccord avec ces trois lettres. Câest le mot commun, câest le mot qui vient, câest le mot tendre ou effrayant, câest le mot qui en contient mille autres, qui agrĂšge tant de sentiments â amour, pitiĂ©, crainte, soupçon. Un de ces mots encombrants, si lourd quâil tombe de la bouche, dĂ©borde les limites du cerveau, un de ces mots difficiles Ă pratiquer, comme homme, comme monde. Un mot trou noir, un mot vortex. Franck, fou, ça te dit quoi comme mot ? Est-ce ainsi quâon te dĂ©signe ? Est-ce ainsi que tu te prĂ©sentes ? On pourrait dire aussi malade mental, insensĂ©, dingue, dĂ©ment, furieux, schizo, tarĂ©, asocial. Non, fou câest mieux, jâaime bien fou, ça ne me vexe pas, câest le mot le moins violent, câest amical, câest plus lĂ©ger je trouve, moins dramatique, et surtout câest le mĂȘme mot pour tout le monde. On est tous fous ici, pas de distinction entre les schizos et les grands mĂ©lancoliques, tous embarquĂ©s dans la mĂȘme galĂšre, avec la bizarrerie et la souffrance en partage ; ça ne me plaĂźt pas que les mĂ©decins nous collent sur leur grand tableau, dans leur classeur Ă pathologies mentales. Une aide-soignante lui avait dit, Frank tu es fou comme un lapin, il avait rĂ©pondu câest vous qui ĂȘtes fous comme des bourdons, et avait pris lâaide-soignante dans ses bras, qui sâĂ©tait dĂ©gagĂ©e avec prĂ©caution. Je pense au lapin fluo de lâartiste Eduardo Kac. Son ADN avait Ă©tĂ© mĂȘlĂ© Ă la protĂ©ine fluorescente de la mĂ©duse, et lâanimal mutant brillait dans lâobscuritĂ©, dâune lumiĂšre verdĂątre inquiĂ©tante. Câest vrai que Franck Ă©claire dans le noir, dâune lueur Ă©trange ; Franck, lui aussi, est augmentĂ©, dâun dĂ©lire et de diverses manipulations chimiques. Franck sâĂ©tait emportĂ© contre le mĂ©decin qui, le premier, avait posĂ© un diagnostic, lâavait dĂ©signĂ© comme schizophrĂšne plutĂŽt que fou. Il avait eu le sentiment quâon prenait le pouvoir sur sa vie, ce pouvoir de la science raisonneuse sur une existence fuyante, la confiscation dâune expĂ©rience radicale et singuliĂšre, lâĂ©lucidation Ă marche forcĂ©e â une lampe braquĂ©e sur un visage fermĂ©, rĂ©calcitrant, et ses noirs lacs intĂ©rieurs. Franck veut rester incomprĂ©hensible, câest tout ce qui lui reste. AprĂšs 40 ans dâexercice Ă lâhĂŽpital, un mĂ©decin mâavait prĂ©venue en psychiatrie, il faut se mĂ©fier du mot donc », et de toutes les conjonctions de coordination en gĂ©nĂ©ral, des conclusions hĂątives, et mĂȘme des raisonnements courants. Se mĂ©fier de donc », de car », de mais ». Prenons par exemple cette phrase il est prostrĂ©, mutique, donc il va mal, il est triste. Peut-ĂȘtre quâil va mieux en rĂ©alitĂ©. Peut-ĂȘtre que, eu Ă©gard Ă son Ă©tat antĂ©rieur dâagitation, de fiĂšvre, de logorrhĂ©e, il y a du mieux, il y a du progrĂšs, il y a un apaisement. Il nây a pas de donc qui tienne Ă lâhĂŽpital psychiatrique. On ne peut pas compter sur les causes et les effets. Prenons par exemple cette discussion de couloir entre deux infirmiĂšres comment tu veux faire un polytechnicien avec quelquâun qui sâest fait violer par son pĂšre ? Oh tu sais, il y en a qui sont traumatisĂ©s Ă vie par trois fois rien, une insulte dans le mĂ©tro, et dâautres qui se remettent des pires drames, leur pĂšre a assassinĂ© leur mĂšre puis sâest tirĂ© une balle dans la tĂȘte, et ça va plutĂŽt pas mal. Franck dĂ©borde de phrases, quâil consigne chaque matin sur le mur des mots », un tableau blanc Ă la disposition des patients. On y lit ici bien souvent on entend parler le silence » ; et aussi les mots ont une consonance vibratoire digne du Big Bang » ; et encore le temps nâest quâune porte, la vie quâune fenĂȘtre, je reviendrai ». Franck est bavard, il parle comme on pratique des saignĂ©es, faire sortir et sâĂ©couler tout ce qui bloque, les stases toxiques, remettre en mouvement le verbe mal oxygĂ©nĂ©, qui ne circule plus. Parler le libĂšre, recrĂ©e de lâespace Ă lâintĂ©rieur de Franck. Mais parfois les mots ne sont pas les siens, les voix viennent dâailleurs, elles roulent dans sa tĂȘte ou agacent son tympan, des hallucinations auditives, des mots pleins de frayeur. Un jour Franck a eu si peur de ces voix Ă©trangĂšres quâil sâest cachĂ© dans le faux plafond de sa chambre, comme le hĂ©risson, on lâa cherchĂ© une heure, deux heures, il est restĂ© tapi dans le noir, contorsionnĂ© entre les fils Ă©lectriques et les poutrelles mĂ©talliques, puis le plafond a cĂ©dĂ©, Franck est retombĂ© lourdement sur son lit, et sur ses pattes. Le mĂ©decin lui a demandĂ© si les voix parlaient dans son cerveau ou dans son oreille, et mâapprend que les hallucinations auditives nâont pas que des effets dĂ©lĂ©tĂšres, quâelles sont aussi comme des compagnons, quâelles viennent combler des vides, des solitudes, et mĂȘme si elles rĂ©veillent dâinsupportables angoisses, elles incarnent des prĂ©sences, occupent les places vacantes, Ă©clairent des gouffres. Il ajoute que le dĂ©lire est comme un rempart de lâindividu contre son propre effondrement. Quand le sol se dĂ©robe, les voix forment un Ă©tayage, peut-ĂȘtre prĂ©caire mais qui, Ă cet instant, prĂ©vient la chute fatale. Alors, quand dâautres sont dĂ©sespĂ©rĂ©ment mutiques, plus de mots, parfois plus de bouches, Ă©dentĂ©s, lĂšvres englouties, Franck parle, et ça parle en Franck, les mots entrent et sortent, les mots lâassaillent, sâinstallent, le colonisent, il les recrache, câest une bataille sans fin, les mots tourbillonnent, au dedans et au dehors. Il parle et ça parle en lui, mais ce que Franck supporte le moins câest dâĂȘtre parlĂ©, parlĂ© par les autres. Franck entend des mots abscons qui sont censĂ©s le concerner, les mots des mĂ©decins, leur funeste sabir, et il nâaime pas ça. Il entend incurie, apragmatisme, clinophilie, catatonie, dissociation, stĂ©rĂ©otypie, subagitation. Il entend des noms de mĂ©dicaments et ça ne lui dit rien qui vaille clozapine, loxapac, solian, rispĂ©ridone. Ces noms le blessent, parfois davantage que les voix malĂ©fiques qui viennent le visiter. Franck refuse dâĂȘtre cette somme de mots qui ne lui appartiennent pas et dont le sens lui Ă©chappe. Il refuse dâĂȘtre interprĂ©tĂ©, dâĂȘtre traduit dans une autre langue, le dialecte psychiatrique, il abhorre ce lexique mĂ©dical qui code sans mĂ©nagement le moindre de ses Ă©noncĂ©s ; ça ne lui va pas quâon lui fasse dire autre chose que ce quâil dit, ça ne lui va pas que les mots aient des sens Ă double fond, ça ne lui va pas quâil y ait un en-deçà du langage, et que les mots soient des symptĂŽmes. Il sent comme de la suspicion dans lâair. Quand Franck dit au psychiatre je suis la viande et vous ĂȘtes le couteau, il nây a pour lui rien Ă interprĂ©ter, rien Ă commenter, rien Ă traduire. Il est la viande, le mĂ©decin est le couteau, câest un fait, un gros bloc de rĂ©el, lourd et dur comme de la pierre, impossible Ă dĂ©placer, plantĂ© lĂ pour lâĂ©ternitĂ©. Quâest-ce que vous voulez dire ? Si jâavais voulu dire jâaurais dit. Parfois Franck perd patience ; les mĂ©decins aussi. Et quand il raconte la vision quâil a eue la nuit prĂ©cĂ©dente, il ne supporte pas que le psychiatre qualifie cette vision de rĂȘve, lâaccuse dâavoir dormi et rĂȘvĂ© jâescaladais le mur du cimetiĂšre, câĂ©tait difficile, je mâĂ©corchais les mains, les genoux, la pierre Ă©tait froide et glissante, mais je devais absolument passer de lâautre cĂŽtĂ© pour rejoindre le mont SinaĂŻ. Jâarrive enfin en haut du mur et lĂ , Ă la place du mont SinaĂŻ, je vois un immense centre Leclerc ! Vous imaginez la dĂ©ception ! Le mĂ©decin sâinterdit de sourire, voudrait emmener la conversation ailleurs, sur la terre ferme monsieur, on avait Ă©voquĂ© la possibilitĂ© de diminuer la dose de zolpidem au coucher. ArrĂȘtez avec vos mots en z », et surtout arrĂȘtez de mâappeler monsieur. Franck sâagace que les mĂ©decins sâadressent ainsi Ă lui, monsieur prenez un siĂšge, monsieur prenez vos mĂ©dicaments, monsieur prenez sur vous, il y entend une distance â malvenue alors que Franck a remis sa vie entre leurs mains â, il y entend une certaine condescendance quand il est mal lunĂ©. Les infirmiers lâappellent par son prĂ©nom, Franck prĂ©fĂšre, câest plus doux, il faut dire aussi quâils vivent ensemble, partagent leurs clopes et souvent se tiennent la main. Quand Franck veut la paix, quand il nâa plus la force de batailler, il fait semblant dâĂȘtre dâaccord avec le mĂ©decin, il adopte le point de vue de lâhĂŽpital, mais nâen pense pas moins, pense quâon lâa dĂ©clarĂ© malade et quâon a inventĂ© la psychiatrie pour lâempĂȘcher dâutiliser ses dons, pour briser ses facultĂ©s divinatoires, pour lui interdire de jeter des sorts et de dire la vĂ©ritĂ© aux hommes, pour Ă©touffer ses visions â tout ce quâil voit, entend, sait, perçoit et qui reste inaccessible Ă ce sinistre individu en blouse blanche. Dans ces moments-lĂ , il joue au bon patient, celui qui ne sâagite pas, qui ne crie pas, qui ne se fait pas remarquer, celui qui avale sans broncher, les repas, les mĂ©dicaments, les consignes, les soins, les autorisations, les recommandations et les menaces. Il ingĂšre docilement tout ce qui se prĂ©sente, mĂȘme la plaquette de chocolat noir que lui a apportĂ©e sa mĂšre alors quâil nâaime que le chocolat au lait. Il avale, et se laisse avaler par lâhĂŽpital. Il obĂ©it. Il finit par obĂ©ir, car si Franck est enfermĂ© ici câest quâil a provoquĂ© un choc, dĂ©rangĂ© la marche du monde, câest que quelquâun, Ă un moment, a Ă©tĂ© heurtĂ© par Franck, ses gestes ou ses paroles. Tous ceux qui sont ici, contre leur volontĂ©, ont brisĂ© un pacte, quelque chose sâest mal passĂ©, pour eux ou pour les autres, et on a considĂ©rĂ© quâon ne pouvait pas laisser faire, que ça ne pouvait plus durer. On compte alors sur lâordre de lâhĂŽpital pour rĂ©sorber le dĂ©sordre chez Franck. On compte sur lâinternement pour rĂ©duire la part de violence dans toute folie. Mais on sait bien que rien nâest plus dur quâun crĂąne, et que si le cerveau se mate, lâesprit, lui, sâĂ©chappe toujours. Ce matin, Franck est avachi sur une chaise, assommĂ© par les cachets, il bave, et sa tĂȘte lourde, comme guillotinĂ©e, nuque cassĂ©e, repose sur sa poitrine ; cette tĂȘte pĂšse une tonne, lestĂ©e de tout le poids des mĂ©dicaments et des ressassements, de ses pensĂ©es qui sont bien plus quâune simple activitĂ© neuronale, plutĂŽt une coulĂ©e de plomb qui entraĂźne tout son corps vers lâavant. Plus loin, une femme sâest assoupie contre un radiateur, son corps contorsionnĂ©, ventousĂ© au radiateur dur et froid. Ici on dort assis ou debout autant que couchĂ©. Ici tout se fige dans la glace des neuroleptiques, de lâenfermement et de lâennui. Le temps aussi est une banquise, Ă moins quâil ne soit de la mĂ©lasse, un truc qui colle et se distend. Ă force, ce nâest mĂȘme plus du temps, mais une masse informe quâon voit glisser en apesanteur dans les couloirs, telle une crĂ©ature de Miyazaki. Les soignants tentent bien de le recrĂ©er artificiellement ce temps, avec des horaires, des rituels, des rendez-vous â heures des repas, des clopes, de lâergothĂ©rapie, et mĂȘme une immense horloge derriĂšre une vitre incassable dans la chambre dâisolement â, mais cela ne suffit pas, le temps est mort, ne reste que cette durĂ©e poisseuse qui englue chaque mouvement. Je la sens Ă©paisse et tiĂšde dĂšs que je pousse la porte du service. Et câest bien tout ce que je peux sentir, car la douleur de Franck, je ne la comprends pas, jây accĂšde Ă peine. Je ne dispose que de quelques gestes, la possibilitĂ© de lui faire un signe, amical, de lui adresser un salut, cela peut ĂȘtre une main furtive sur lâĂ©paule, un mot. Rien de ce quâil me demande nâest possible, nâest autorisĂ© â lui ouvrir la porte, lui acheter un sandwich grec au kebab de la place du marchĂ©, lui rapporter de lâencens â, il ne nous reste que des dĂ©tails, mais qui prennent ici une importance un rire, un regard, une patience, rapprocher un siĂšge, ramasser une cigarette, prĂ©venir quâil y a une marche, un courant dâair, attention ta tĂȘte. Un geste, concret, matĂ©riel, une action, minuscule, pour que quelque chose existe enfin avec certitude dans cet espace imprĂ©cis, cotonneux, hypnotique. Franck supporte de plus en plus mal la vie dĂ©pouillĂ©e de la psychiatrie. Il me rendrait bien mon sourire contre un kebab sauce blanche harissa. Ici on ne cherche mĂȘme pas de faveurs, on nâespĂšre aucun gain, seulement de ne pas ĂȘtre davantage spoliĂ©, on parlemente pour conserver son portable, une bouteille de parfum, on voudrait une clĂ© Ă lâarmoire de sa chambre, on ne peut pas entendre que ces privations font partie du soin, on constate seulement que les objets les plus personnels sont confisquĂ©s, quâil faut ĂŽter ce collier qui pourrait Ă©trangler alors quâon saurait trĂšs bien comment se tuer sâil le fallait. Le Ă soi ça nâexiste presque plus. Les initiatives les plus banales sont anĂ©anties, tout ce quâon accomplit sans mĂȘme y songer, ces infimes licences du quotidien â mettre du beurre salĂ© sur ses biscottes, monter au maximum le son de la radio sous la douche, allumer sa cigarette avec des allumettes plutĂŽt quâun briquet et sâasseoir sur le rebord de la fenĂȘtre pour fumer. Le moindre petit plaisir est soumis Ă autorisation. Alors on intrigue pour adoucir le quotidien, on met en place des stratĂ©gies de rĂ©sistance, dâaccommodement du moins, un mensonge pour obtenir une pause clope supplĂ©mentaire, un vĂȘtement sciemment Ă©garĂ©, des caches dans les chambres des uns et des autres, des maux de ventre simulĂ©s, on nĂ©gocie, on tente de monter les soignants les uns contre les autres, pas dupes, en livrant des versions contradictoires, en surjouant ses Ă©tats dâĂąme, et on fait un peu de troc avec les autres patients, des centimes dâeuros, des appels tĂ©lĂ©phoniques et des canettes de coca. Chaque jour, se demander comment entraver lâexercice du pouvoir mĂ©dical, comment bafouer les rĂšgles, comment manifester son mĂ©contentement, comment contrarier la machine asilaire, chaque jour grignoter un morceau de libertĂ©, arracher un lambeau. Chaque jour, Franck cherche Ă contester dâune maniĂšre ou dâune autre le dĂ©roulement de la journĂ©e, cherche de nouvelles tactiques â refuser de prendre ses mĂ©dicaments ne sert Ă rien, la violence se retourne contre lui, sâenfuir est vain il est toujours rattrapĂ©, alors tout se joue dans les attitudes, les airs quâon prend, les mines quâon se compose, dans la maniĂšre, un infra-langage du corps qui envoie des signaux irritants. A lâhĂŽpital Franck nâa pas les moyens de sâopposer, de condamner, il ne peut quâexprimer un peu de distance. Il y a le sourire insolent, les yeux au ciel, le silence butĂ©, le moindre effort, la mauvaise volontĂ©, un marmonnement hostile, des ricanements ironiques, un rot sonore, des soupirs dâagacement, toute une expression attĂ©nuĂ©e pour signifier sa dĂ©sapprobation, sans hausser le ton, sans sâemporter, sans faire de vagues, car il sâagit toujours dâĂ©viter la punition ; ne pas rire trop fort Ă la face du mĂ©decin qui pourrait lâinterprĂ©ter comme un rire immotivĂ©, mĂ©canique, et donc symptomatique, quand ce rire est pour Franck de dĂ©fi, de provocation, voire de mĂ©pris. Mais parfois, dĂ©bordĂ© par la frustration et la colĂšre, il nây tient plus, et câest alors un poing frappĂ© sur la table au moment du repas. Quand Franck est au plus mal, totalement morcelĂ©, il se tape le front pour vĂ©rifier son intĂ©gritĂ© physique, enfile plusieurs couches de vĂȘtements, une cagoule, pour empĂȘcher son corps de sâĂ©parpiller, il sent des insectes courir sous sa peau, son Ćil plafonne, sa respiration siffle, il se racle la gorge, ce sont des signes annonciateurs, câest quâil va exploser. Dans la nuit on entendra Franck hululer. Les mĂȘmes phrases en boucle, une mĂ©lopĂ©e sous la lune en carton quâil a scotchĂ©e au-dessus de son lit, il hulule dâune voix aiguĂ«, de longs gĂ©missements, le loup-garou sâest mĂ©tamorphosĂ© en chouette, les yeux rouges sont devenus jaunes, les poils noirs Ă©pais et drus des plumes neigeuses, Franck divague, en proie Ă son cerveau, et ces errances, ces promenades nocturnes allĂšgent peut-ĂȘtre les angoisses. Franck divagant se dĂ©place, fait circuler lâair et son corps, les paysages dĂ©filent, il trace des pistes. Une chouette perchĂ©e sur lâarmature mĂ©tallique du lit dâhĂŽpital, prĂ©sence merveilleuse et inquiĂ©tante dans la nuit psychiatrique, un rapace qui fait entendre sa plainte dans toutes les chambres, tous les couloirs du pavillon. Les hululements cessent avec le lever du jour, la lumiĂšre matinale redonne forme humaine Ă Franck, les serres redeviennent des mains, lĂąchent le rebord froid du lit, il glisse Ă©puisĂ© sous la couverture, sâentortille dans les draps, somnole, bercĂ© par les bruits extĂ©rieurs, sirĂšnes lointaines, moteurs ralentis dans lâenceinte de lâhĂŽpital, et plus prĂšs les sons du pavillon qui sâĂ©veille, tout ce que lâon entend du fond de son lit, ces tonalitĂ©s si caractĂ©ristiques de lâinternement â des pas dans le couloir, lâincessant cliquetis des clĂ©s dans les serrures, les chariots de mĂ©nage des agents hospitaliers qui frottent, le rieur en rafales, le plaintif, le gueulard, celui qui cogne dans les portes, les radiateurs, les murs, et toute cette fureur, toute cette peine Ă©touffĂ©es, Ă bas bruit, chuchotĂ©e parce quâon est Ă lâhĂŽpital et quâĂ lâhĂŽpital on ne hausse pas la voix, on se contient, on se calme, on est lĂ pour ça. Ă lâhĂŽpital les voix sont posĂ©es, sereines, la voix de la raison doit avoir le dernier mot. Pourtant, malgrĂ© ces bruits continus, une forme de silence rĂšgne dans les couloirs, comme un ralentissement, une dĂ©cĂ©lĂ©ration gĂ©nĂ©rale de la vie, les bouches sâouvrent lentement, les mots se forment sur le palais, passent Ă peine les lĂšvres engourdies, coulent sur les mentons, roulent au sol avant quâon ait pu les intercepter. Petit Ă petit, je me laisse contaminer par cette torpeur, et on sent mĂȘme parfois dans lâair comme une douceur, ouateuse, enveloppante. Lâambiance nâa pas toujours Ă©tĂ© aussi apathique Ă lâhĂŽpital, et les patients aussi dociles. Avant la dĂ©couverte des neuroleptiques au dĂ©but des annĂ©es 50, ça hurlait du matin au soir, et puis on a inventĂ© de nouveaux mĂ©dicaments, rĂ©volutionnaires, on a fabriquĂ© du silence chimique, mis les neurones affolĂ©s sous cloche, et les fous, sĂ©datĂ©s, dĂ©connectĂ©s, domptĂ©s, se sont finalement tus. Aujourdâhui, ce silence est peut-ĂȘtre aussi insupportable et assourdissant que lâĂ©taient les cris. Avant lâinvention des neuroleptiques, Franck aurait sans doute hululĂ© chaque nuit, et plus sĂ»rement hurlĂ© Ă la lune. On lâaurait soignĂ© avec du vitriol mĂ©langĂ© au quinquina, du camphre, du musc, de la teinture de digitale, de lâopium et du haschich, de la valĂ©riane mĂ©dicinale, on lui aurait cautĂ©risĂ© le crĂąne, on lâaurait enfermĂ© dans une citadelle, on lui aurait imposĂ© des cures de sommeil et la camisole de force, appliquĂ© un fer rouge sur la nuque, frictionnĂ© la tĂȘte prĂ©alablement rasĂ©e avec du vinaigre, on lâaurait saignĂ© pour le vider de ses humeurs sombres, on lâaurait fait dĂ©gorgĂ© jusquâau malaise, on lâaurait purgĂ© Ă coups de vomitifs, Ă©lectrocutĂ©, lobotomisĂ©, plongĂ© dans le coma en lui injectant de lâinsuline. Pendant des siĂšcles on lâaurait soignĂ© avec de lâeau, lâeau qui purifie, assainit, lave des pĂ©chĂ©s, fait ruisseler les impuretĂ©s et le poison, refroidit les ardeurs, rĂ©conforte aussi. On lui aurait infligĂ© de violentes douches glacĂ©es pour le mater, lui couper le souffle, le rĂ©duire au silence, Ă©teindre le feu de son dĂ©lire et lui faire avouer sa folie. On lâaurait plongĂ© dans des bains chauds et apaisants pour soigner ses accĂšs de froide mĂ©lancolie, on y aurait ajoutĂ© des plantes pour le faire infuser des heures, pour hydrater et assouplir ses fibres nerveuses dessĂ©chĂ©es, devenues dures comme de la corne, pour ramollir sa volontĂ© furieuse, et il aurait ainsi macĂ©rĂ© jusquâĂ ne plus sentir la pulpe de ses doigts. On lui aurait placĂ© un pain de glace sur la tĂȘte et les pieds dans une bassine dâeau brĂ»lante pour crĂ©er un choc thermique et remettre ses idĂ©es en ordre. Chaque jour on lâaurait mis Ă nu pour le soigner, le consoler, lâhumilier et le punir. Aujourdâhui Franck sort, on lui a trouvĂ© une place en appartement thĂ©rapeutique. Mais la plupart des infirmiers prĂ©disent son retour prochain. Franck dit quâon le laisse partir car la folie nâest pas le nom de sa maladie mais celui de son malheur. Et malgrĂ© lâinsistance bienveillante du mĂ©decin, il menace dĂ©jĂ dâarrĂȘter son traitement une fois dehors â car quand jâarrĂȘte les mĂ©dicaments jâentends les Ăąmes. Franck nâaime pas les adieux, il ne fera pas le tour des patients et du personnel pour entendre les mĂȘmes paroles dâencouragement et les mĂȘmes mises en garde, pour recevoir les sourires dĂ©sespĂ©rĂ©s de ceux qui restent, il prĂ©fĂšre couper court. Le seul quâil ira saluer, prendre dans ses bras, Ă qui il offrira ses derniĂšres clopes, un de ses pendentifs chamaniques et un billet de 20 euros pliĂ© en 8, est un ancien boulanger, internĂ© suite a un accĂšs de furie. Il avait Ă©ventrĂ© tous les sacs de farine avec un poignard en accusant ses apprentis de vouloir lâempoisonner. AprĂšs avoir retrouvĂ© son calme, au bout de quelques jours de repos et de sĂ©dation, il avait justifiĂ© son dĂ©lire par la cuisson Ă lâĂ©touffĂ©e de ses neurones. Selon lui, Ă force de se tenir depuis des annĂ©es la tĂȘte prĂšs du four Ă pain, son cerveau avait fini par cuire Ă lâintĂ©rieur du crĂąne. Tous les patients sâĂ©taient moquĂ©s du boulanger, sauf Franck, qui sait que lâĂ©lĂ©ment feu dĂ©truit tout ce qui est corrompu. Avant de sortir, Franck a rĂ©cupĂ©rĂ© ses bijoux, ses anneaux de pirate, son bracelet dragon, sa gourmette, son collier dâambre, ses croix, sa chaĂźne en argent, ses multiples pendentifs celtiques et sa bague tĂȘte de mort. Tout ce qui tenait le mauvais Ćil Ă distance et qui lui a Ă©tĂ© soustrait Ă son arrivĂ©e. Quand je mâen offusque poliment, le psychiatre me rĂ©pond que Franck sâouvrait la peau, de la cuisse, du mollet, du bras, et glissait les croix et les mĂ©dailles dans sa chair. Peut-ĂȘtre pour quâon ne lui confisque pas. Peut-ĂȘtre Ă©tait-ce la seule maniĂšre de conserver ici quelque chose de personnel. Franck a remis lentement ses bijoux, une cĂ©rĂ©monie mĂ©ticuleuse, et on le sentait revivre, respirer mieux, tout son corps se redresser Ă la faveur de ce rituel. Comme un guerrier qui rĂ©cupĂšre son armure, un sorcier qui retrouve ses amulettes protectrices. DĂ©sormais Franck tinte Ă chaque pas, Ă chaque mouvement, le cliquetis des colliers et des bracelets accompagne ses dĂ©placements dans le couloir de lâhĂŽpital, celui qui mĂšne Ă la sortie ; et ce clapotis mĂ©tallique fait surgir une autre image, celle du fou du Moyen Ăge, coiffĂ© dâun capuchon cousu de grelots, cette figure familiĂšre et puissante, qui carillonne librement dans les rues et Ă la cour, sâannonce en faisant bourdonner ses clochettes, ce bouffon qui incarne la dĂ©raison du monde, dĂ©pouille lâhumanitĂ© de son arrogance, et rĂ©vĂšle Ă chacun sa pathĂ©tique vĂ©ritĂ©. Ă quoi tu penses Franck ? Ă mon cul et aux oiseaux.
Bonjour!! (ou bonsoir !)La nuit, mon cochon dinde court comme un fou dans sa cage. Quelques dois il nous empĂȘche de dormir (mais ça ce nest pas grave). Est-ce que vos cochon dinde font ça ? Est-ce normal ?merci de me rĂ©pondre. Aller au contenu. Comportement; Utilisateur existant ? Connexion Connexion. Se souvenir de moi Non recommandĂ© sur les
jeQNn.