Cest peut-ĂȘtre ce qui le rendit si attachant aux yeux des Français. Reportage B. Rabelle / J. Begue / C. Thomas / P. Taddéï / S. Person Le 22 mai 1885, au numĂ©ro 50 de l’avenue qui portait dĂ©jĂ  son nom de son vivant, Victor Hugo se meurt, et la France tressaille. Sa disparition, Ă  13h27 et Ă  83 ans, provoque en effet un sĂ©isme d’une magnitude inĂ©galĂ©e. La IIIe RĂ©publique de Jules GrĂ©vy craint une soudaine rĂ©surgence des anarchistes et un soulĂšvement des ouvriers. Le peuple de Paris exige en vain un jour fĂ©riĂ©, le dimanche, et le passage du cortĂšge par la rive droite afin de pouvoir accompagner, couchĂ©e dans le corbillard des pauvres», la dĂ©pouille de son suite aprĂšs la publicitĂ© Et le clergĂ© fulmine au prĂ©texte qu’on le dĂ©possĂšde de son Ă©glise Sainte-GeneviĂšve et qu’on en chasse les prĂȘtres pour mieux accueillir, dans un PanthĂ©on rendu Ă  la patrie laĂŻque, le grand homme qui croyait en Dieu, mais refusa l’extrĂȘme-onction. L’auteur des MisĂ©rables» y est inhumĂ© aprĂšs avoir dormi une nuit sous l’Arc de Triomphe. On compte alors deux millions d’endeuillĂ©s. Ce n’est plus un enterrement, c’est une rĂ©volution. Sauf qu’elle est calme et digne. Ancienne journaliste Ă  LibĂ©ration», capable de relater aussi bien les morts successives de Vincent et ThĂ©o Van Gogh que la nuit de Sarkozy au Fouquet’s, Judith Perrignon, envoyĂ©e spĂ©ciale au XIXe siĂšcle, ne couvre pas seulement les funĂ©railles de Victor Hugo, elle enquĂȘte aussi sur ses proches – sa fille schizophrĂšne et ses chers petits-enfants –, ses amis, ses ennemis, ceux qui le pleurent, ceux qui l’embaument et ceux qui le craignent encore. Elle se glisse dans la chambre du dĂ©funt, devant lequel se signe Sarah Bernhardt, s’introduit Ă  l’AssemblĂ©e nationale, oĂč l’on encense le poĂšte et ignore le politique, dans le poste de police oĂč le commissaire FĂ©ger veille Ă  l’ordre public, dans la prison Saint-Lazare, oĂč Louise Michel apprend la mort de son ami, et elle suit le cortĂšge funĂšbre, qu’escortent la cavalerie et l’infanterie, de l’Etoile Ă  la Concorde, du boulevard Saint-Germain Ă  la rue de Rennes. On croyait tout savoir des adieux de Victor Hugo Ă  la vie et de la France Ă  Victor Hugo, mais Judith Perrignon y ajoute une exaltation et une Ă©motion Ă©tonnamment contemporaines. Elle fait mieux que raconter, elle s’engage. JĂ©rĂŽme GarcinLa suite aprĂšs la publicitĂ© Victor Hugo vient de mourir, par Judith Perrigon, l'Iconoclaste, 250 p., 18 euros. A noter ce livre figure actuellement dans les sĂ©lections du prix DĂ©cembre, du prix Renaudot essai et du prix Femina. Paru dans "L'Obs" du 3 septembre 2015. Les 1Ăšres pages de "Victor Hugo vient de mourir"
Dete voir tous les jours, toi, ton pas gracieux, Ton front pur, le beau feu de ta fiĂšre prunelle, Je ris, et j'ai dans l'Ăąme une fĂȘte Ă©ternelle! Par: Victor Hugo. Extrait de: Hernani (1830) AjoutĂ©e par Savinien le 01/04/2020. CatĂ©gories: Acte II, ScĂšne 1. Et
Sur les photos, elle a toujours l’air triste. Non, pas triste dĂ©vorĂ©e par un mal profond, hantĂ©e par une douleur secrĂšte, habitĂ©e par un enfer intime. AdĂšle Hugo est la seule survivante des enfants du poĂšte LĂ©opold est mort Ă  trois mois ; LĂ©opoldine s’est noyĂ©e Ă  19 ans, enceinte de trois mois ; Charles a Ă©tĂ© victime d’une apoplexie Ă  44 ans ; François-Victor s’est Ă©teint Ă  45 ans, de tuberculose. Il ne reste, sur les vieux jours de l’auteur des MisĂ©rables », qu’un seul enfant, AdĂšle. Elle n’a rien de commun avec Isabelle Adjani, ni sa beautĂ©, ni son Ă©clat, ni sa sensualitĂ©. Henri Guillemin la dĂ©crit avec prĂ©cision, dans L’Engloutie », petit livre publiĂ© en 1985, dix ans aprĂšs le film de Truffaut. AdĂšle est comme une Ă©pave battue par la mer tout, en elle, s’érode, jour aprĂšs a 22 ans en 1852, quand son pĂšre dĂ©cide de s’exiler Ă  Jersey. DĂ©jĂ , Ă  l’époque, AdĂšle est Ă©trange la petite fille joufflue » s’est transformĂ©e en jeune femme dĂ©pressive, avec d’incomprĂ©hensibles sautes d’humeur. Elle s’ennuie sur l’üle. Son pĂšre note qu’ ici, on danse beaucoup, bĂȘtement, mais l’on danse », ce n’est guĂšre suffisant. On fiance vaguement AdĂšle Ă  Auguste Vacquerie, piĂštre poĂšte, dont le frĂšre s’est noyĂ© avec LĂ©opoldine, mais l’union n’aura jamais lieu. Pour remĂ©dier Ă  la disposition obscure de la jeune femme, le docteur Terrier incite celle-ci Ă  jouer au billard » et Ă  surmonter son dĂ©goĂ»t du tabac ».La suite aprĂšs la publicitĂ©LIRE AUSSI > Le jour oĂč Victor Hugo est mort Que diras-tu donc quand tu auras mal Ă  ta fille ? »Lors de sĂ©ances de tables tournantes, un nouvel invitĂ©, fringant, devient l’habituĂ© de la famille Hugo. Albert Pinson, lieutenant dans l’armĂ©e de Sa MajestĂ©, a une aventure avec AdĂšle. Celle-ci en tombe amoureuse, Ă©perdument. Pinson, qui a compris qu’il a devant lui une femme au bord de la folie, s’éloigne. DĂ©sormais, elle n’aura de cesse de le traquer. Il est cantonnĂ© Ă  Halifax, au Canada ? Elle y va. Victor Hugo tente de la ramener Ă  la raison ? Elle Ă©crit Ă  Albert Pinson Vous voyez d’ici les souffrances auxquelles vous m’exposez, en ne m’épousant pas. Vous m’envoyez sur le champ de bataille du dĂ©sespoir ». Le bel officier a jadis Ă©tĂ© emprisonnĂ© pour dettes ? Elle promet de tout rembourser. Pinson se dĂ©file. Elle tente de lui faire croire qu’elle a mis au monde un enfant de lui. Elle plaide auprĂšs de son pĂšre Quand un membre d’une famille souffre, toute la famille souffre, car n’est-elle pas un corps ? Tu dis “Bah! J’ai mal Ă  la main, cela n’est rien”. Rien en effet. Que diras-tu donc quand tu auras mal Ă  ta fille ? »Elle demande le consentement de son pĂšre, sans donner l’adresse oĂč faire parvenir cette lettre. Son amour s’est muĂ© en obsession suite aprĂšs la publicitĂ©LIRE AUSSI > Quand JĂ©sus demandait Ă  Victor Hugo de rĂ©former le christianisme Toute sa conduite est une Ă©nigme »Victor Hugo Ă©crit Toute sa conduite est une Ă©nigme ». Quant Ă  Albert Pinson, c’est un soudard ». En 1864, devant une situation dramatique, madame Hugo Ă©crit Ă  son mari Il faut tendre la main Ă  la pauvre enfant, mais la maintenir au-dessus du naufrage ». Las ! Le naufrage a eu lieu depuis longtemps. AdĂšle dĂ©lire, suit Pinson Ă  La Barbade, demande de l’argent Ă  son pĂšre, se fait connaĂźtre sous le nom de Madame Pinson », est soignĂ©e par madame Baa, une bienfaitrice. L’errance amoureuse se termine en 1872 depuis vingt ans, AdĂšle est en proie Ă  son idĂ©e fixe. Elle rentre en France, oĂč elle est placĂ©e en maison de santĂ©. Sa mĂšre est morte, son pĂšre est ĂągĂ©. Le temps passe. AdĂšle joue au piano, murĂ©e dans la meurt le 21 avril 1915, Ă  85 ans, et Albert Guillemin note dans L’Engloutie » que la messe de funĂ©railles est cĂ©lĂ©brĂ©e Ă  Saint-Sulpice, dans la chapelle oĂč ses parents se sont mariĂ©s en 1822. RĂ©my de Gourmont, qui vient de vivre lui-mĂȘme une passion impossible pour Natalie Barney Ă  l’époque, celle-ci est en train de vivre un grand amour avec la duchesse de Clermont-Tonnerre jette son fiel AdĂšle est-elle le fruit des amours de Sainte-Beuve avec sa mĂšre ? Tout ce qui touche Ă  elle est un mystĂšre, depuis sa naissance, jusqu’à sa mort ».La disparition d’AdĂšle n’émeut personne. Car ce jour-lĂ , sur le front, Ă  Ypres, les Allemands utilisent, pour la premiĂšre fois, les gaz. AdĂšle Hugo entre dans le AdĂšle, fille de Victor Hugo, 1830-1915, Henri Guillemin, Le Seuil, 1985.
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DĂšsla Restauration, Victor Hugo s'engage contre la peine de mort.C'est ainsi qu'il publie aussi en 1829 Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© (il s'agit du rĂ©cit des derniers moments d'un jeune condamnĂ©, par lui-mĂȘme). À ce livre, Victor Hugo ajoute en 1832 une prĂ©face qui est un vigoureux plaidoyer contre la peine de mort avec des arguments toujours actuels (« Se venger
3 septembre 2018 1 03 /09 /septembre /2018 1743 “Ce que c’est que la mort” – Victor HugoNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ;On est l’homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d’oublier le bas, la fin, l’écueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă  se remplir d’orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ;Et soudain on entend quelqu’un dans l’infiniQui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est bĂ©ni,Sans voir la main d’oĂč tombe Ă  notre Ăąme mĂ©chanteL’amour, et sans savoir quelle est la voix qui arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sentFondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant,Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trangeDu monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange.

HugoĂ©crit ces Contemplations abouchĂ© Ă  la mort.« Contempler » d’ailleurs n’est pas exactement voir, mais plutĂŽt laisser flotter son regard ou le dĂ©couper au fil du rĂȘve intĂ©rieur ou des lambeaux de son imagination (templum en latin, c’est aussi la dĂ©coupe d’un rectangle dans le ciel).Hugo qui sait si exactement poser son regard (Choses vues) et sa parole, remplit

Temps de lecture 24 minutes > Il est rare que l’Ɠuvre comme les engagements d’un auteur suscitent l’admiration c’est le cas de Victor HUGO 1806-1885. À la fois poĂšte, Ă©crivain, dramaturge, dessinateur et homme politique, il a fait rimer idĂ©aux esthĂ©tiques et sociaux. Ouvrir Les MisĂ©rables ou Les Contemplations, c’est comprendre le sens du mot gĂ©nie ». Savoir admirer est une haute puissance. Victor Hugo [ 31 juillet 2021] Si je vous dis Notre Dame de Paris, Les MisĂ©rables ou encore L’Homme qui rit, vous me rĂ©pondez sans aucune hĂ©sitation Victor Hugo ! Parmi les nombreuses histoires qui accompagnent l’un des Ă©crivains les plus cĂ©lĂšbres de la littĂ©rature française, saviez-vous seulement que la Belgique Ă©tait devenue sa terre d’asile pendant plus de 500 jours ? Pour vous y retrouver, cliquez ici... DerriĂšre l’auteur, le politique engagĂ©Belgique, terre d’accueilIntroductionL’auteurLe texteDu gĂ©nieLe goĂ»tUtilitĂ© du Beau DerriĂšre l’auteur, le politique engagĂ© Celui qui est considĂ©rĂ© comme le pĂšre du romantisme français met sa plume au service de son engagement politique. Plusieurs sources situent ses dĂ©buts en politique aprĂšs le dĂ©cĂšs tragique de sa fille, LĂ©opoldine, en 1843. Quel qu’en ait Ă©tĂ© l’élĂ©ment dĂ©clencheur, Victor Hugo est nommĂ© “Pair de France” par le roi Louis-Philippe en 1845 et rejoint le camp des RĂ©publicains. Membre de l’AcadĂ©mie française depuis 1841, le poĂšte se dresse contre la peine de mort et l’injustice sociale, Ă  la Chambre, et est Ă©lu maire du 8e arrondissement de Paris et dĂ©putĂ© en 1848. Sous la IIe RĂ©publique, Hugo juge les lois trop rĂ©actionnaires, et dĂ©nonce la rĂ©duction du droit de vote et de la libertĂ© de la presse. Il s’insurge Ă©galement face Ă  la terrible rĂ©pression menĂ©e par l’armĂ©e suite aux 4 journĂ©es d’insurrection ouvriĂšre Ă  Paris, en juin 1848. Initialement alliĂ© au rĂ©gime du roi, le romantique se dĂ©tache finalement de la droite, pour soutenir la candidature de Louis NapolĂ©on Bonaparte. Élu PrĂ©sident de la RĂ©publique le 10 dĂ©cembre 1848, mais politiquement isolĂ©, ce dernier Ă©choue Ă  s’attirer les bonnes grĂąces de l’AssemblĂ©e, majoritairement conservatrice. A ses yeux, le futur NapolĂ©on III reprĂ©sente le chef de la famille Bonaparte, l’hĂ©ritier de l’Empereur, son oncle, et son continuateur prĂ©somptif. Il y a lĂ  un problĂšme sa fonction prĂ©sidentielle est limitĂ©e Ă  un seul mandat de 4 ans. Impossible, donc, pour Louis-NapolĂ©on de rallonger sa prĂ©sidence pour la transformer en monarchie, Ă  moins d’imposer la rĂ©vision par la force. Belgique, terre d’accueil “Moi, je les aime fort ces bons Belges” © Pour contrer le coup d’Etat du 2 dĂ©cembre 1851, visant Ă  rĂ©tablir l’Empire, Victor Hugo signe un appel Ă  la rĂ©sistance armĂ©e – “charger son fusil et se tenir prĂȘt” peut-on lire dans le magazine Geo –, sans succĂšs. Pour Ă©viter le bannissement, le poĂšte dĂ©cide alors de fuir la France qu’il dit tyrannisĂ©e par “le petit“. Le 11 dĂ©cembre 1851 au soir, il monte Ă  bord d’un train en direction de Bruxelles depuis la gare du Nord. DissimulĂ© sous une fausse identitĂ©, Jacques-Firmin Lanvin, ouvrier imprimeur, Hugo arrive en Belgique par QuiĂ©vrain. Le plat pays ne lui est pas Ă©tranger, puisqu’il s’y Ă©tait rendu pour la premiĂšre fois en vacances aux cĂŽtĂ©s de Juliette Drouet, en 1837. Victor Hugo s’installe pour 7 mois sur la Grand-Place de Bruxelles, dans la Maison du Moulin Ă  vent puis la Maison du pigeon. Il gagne ensuite l’üle anglo-normande de Jersey pour les 10 prochaines annĂ©es. La cĂ©lĂ©britĂ© littĂ©raire française, dont la vĂ©ritable identitĂ© ne resta pas longtemps secrĂšte Ă  Bruxelles, ne semble pas pouvoir se sĂ©parer de notre pays si facilement. “En 1861, il est venu faire un voyage en Belgique. Il a rĂ©sidĂ© Ă  Bruxelles et Ă  Spa pendant quelques mois ; depuis lors il est venu passer chaque annĂ©e une partie de la belle saison dans le royaume, parcourant les champs de bataille ou les parties curieuses du pays. Il n’a jamais Ă©tĂ© mis obstacle Ă  son sĂ©jour.” [Source document du 30 mai 1871, extrait du dossier conservĂ© aux Archives gĂ©nĂ©rales du Royaume] C’est lors de son retour en 1862 qu’il peaufine Les MisĂ©rables. VĂ©ritable manifeste contre la pauvretĂ©, trop dĂ©licat pour lui de le publier en France. C’est ainsi qu’il se tourne vers Lacroix & Verboeckhoven, une maison d’édition bruxelloise situĂ©e rue des Colonies. En mars 1871, le romancier français regagne une nouvelle fois le sol belge et s’installe place des Barricades n°4 Ă  Bruxelles au moment de l’éclatement de la guerre civile en France. Chez nous, ses prises de position provoquent le dĂ©sarroi de quelques citoyens qui rĂ©clament alors son expulsion. Hugo quitte la Belgique et dĂ©barque au Grand-DuchĂ© du Luxembourg le 1er juin 1871. Il dĂ©cĂ©dera Ă  Paris le 22 mai 1885, ĂągĂ© de 83 ans. Romane Carmon, Le texte suivant est extrait d’un cahier central de prĂ©parĂ© par Victorine de Oliveira. Le numĂ©ro 137 de mars 2020 Ă©tait consacrĂ© Ă  notre besoin d’admirer “L’admiration, c’est ce qui vient briser notre rapport instrumental au monde. Quand nous la ressentons, nous oscillons entre Ă©mancipation et aliĂ©nation. Comment ne pas nous perdre en elle ?” En savoir plus sur Introduction Quand on s’appelle Victor Hugo et qu’on a dĂ©jĂ  une bonne partie de son Ɠuvre et de sa carriĂšre politique derriĂšre soi, admirer n’a pas exactement la mĂȘme signification que pour le commun des mortels. Face Ă  une Ɠuvre d’art, une symphonie de Beethoven ou À la recherche du temps perdu de Proust, il y a fort Ă  parier que nous nous sentions tous petits. DĂ©jĂ  que le moindre rhume suffit Ă  nous faire manquer l’heure du rĂ©veil, pas sĂ»r que nous survivions Ă  une surditĂ© incurable ou Ă  de sĂ©vĂšres difficultĂ©s respiratoires chroniques. Alors pour ce qui est de composer ou d’écrire
 L’admiration suppose a priori une hiĂ©rarchie, un piĂ©destal sur lequel repose l’objet que l’on ne peut que regarder d’en bas. Hugo perçoit une autre dynamique loin de marquer la distance, l’objet d’admiration laisse entre- voir la possibilitĂ© d’un monde – “Vous avez vu les Ă©toiles.” Une vision qui ne laisse pas indemne, avec un avant et un aprĂšs. La faute Ă  ce pouvoir Ă©trange qu’ont les Ɠuvres de nous transformer “Toute Ɠuvre d’art est une bouche de chaleur vitale ; l’homme se sent dilatĂ©. La lueur de l’absolu, si prodigieusement lointaine, rayonne Ă  travers cette chose, lueur sacrĂ©e et presque formidable Ă  force d’ĂȘtre pure. L’homme s’absorbe de plus en plus dans cette Ɠuvre ; il la trouve belle ; il la sent s’introduire en lui.” D’autres parleront d’ouvrir les portes de la perception, mais c’est une autre histoire. Qu’est-ce qui attire dans telle ou telle Ɠuvre, chez tel ou tel auteur? “Ils ont sur la face une pĂąle sueur de lumiĂšre. L’ñme leur sort par les pores. Quelle Ăąme ? Dieu“, rĂ©pond Hugo. L’objet d’admiration est touchĂ© par la grĂące, dispose d’un accĂšs direct au divin. Mais loin de concevoir le gĂ©nie de façon aristocratique, comme quelque chose qui distingue diffĂ©rentes espĂšce d’ĂȘtres humains mais aussi les Ă©poques, Hugo veut croire qu’il montre la voie, tend la main, bĂątit un pont – façon d’accorder opinions politiques, son rĂ©publicanisme, et pensĂ©e esthĂ©tique. Certes, dans un premier temps, ceux qui portent la marque du gĂ©nie “laissent l’humanitĂ© derriĂšre eux. Voir les autres horizons, approfondir cette aventure qu’on appelle l’espace, faire une excursion dans l’inconnu, aller Ă  la dĂ©couverte du cĂŽtĂ© de l’idĂ©al, il leur faut cela.” Mais, en dĂ©finitive, “ils consolent et sourient. Ce sont des hommes.” C’est pourquoi l’échange, la circulation sont possibles. “Il est impossible d’admirer un chef-d’Ɠuvre sans Ă©prouver en mĂȘme temps une certaine estime de soi“, s’enthousiasme Hugo. VoilĂ  de quoi crĂ©er une vĂ©ritable “RĂ©publique des lettres”. L’ennui, c’est que “malgrĂ© 89, malgrĂ© 1830, le peuple n’existe pas encore en rhĂ©torique“. Pourquoi ? La faute Ă  une certaine critique, plus occupĂ©e Ă  opĂ©rer des distinctions, Ă  Ă©taler sa propre Ă©rudition, qu’à transmettre un souffle, un Ă©lan. Hugo, modeste, se place plutĂŽt du cĂŽtĂ© du critique grand philosophe’ que du gĂ©nie – encore qu’on ne peut s’empĂȘcher de noter que la liste des auteurs citĂ©s forme une lignĂ©e unie sous la plume de celui qui les loue. “Les enthousiasmes de l’art Ă©tudiĂ© ne sont donnĂ©s qu’aux intelligences supĂ©rieures ; savoir admirer est une haute puissance” ; admiration rime donc potentiellement avec crĂ©ation. Il n’y a plus qu’à
 L’auteur “Je veux ĂȘtre Chateaubriand ou rien” c’est en admirant que Victor Hugo est devenu le monument que l’on sait. NĂ© le 26 fĂ©vrier 1806 Ă  Besançon d’un pĂšre gĂ©nĂ©ral d’Empire et d’une mĂšre issue de la bourgeoisie, il n’a pas 10 ans quand il commence Ă  Ă©crire des vers. En crĂ©ant avec ses frĂšres la revue Le Conservateur littĂ©raire, il affiche une premiĂšre prĂ©fĂ©rence royaliste. StratĂ©gie judicieuse la pension que lui verse le roi Louis XVIII aprĂšs la parution de son premier recueil de poĂšmes Odes, en 1821, lui permet de vivre de sa plume, de devenir Victor Hugo. Il brise les codes du théùtre classique en 1827 avec sa piĂšce Cromwell – finies les unitĂ©s de temps et de lieu -, puis dĂ©clenche une bataille aussi physique que littĂ©raire lors de la premiĂšre reprĂ©sentation d’Hernani en 1830. Hauteville House Ă  Guernesey le cabinet de travail de Hugo © DP Dans le mĂȘme temps, ses idĂ©es politiques Ă©voluent s’il soutient dans un premier temps la rĂ©pression des rĂ©voltes de 1848, il dĂ©sapprouve les lois anti-libertĂ© de la presse. Son Discours sur la misĂšre de 1849, alors qu’il est dĂ©putĂ©, marque un tournant. De plus en plus ouvertement opposĂ© au pouvoir, il est finalement contraint Ă  l’exil Ă  partir de 1851, d’abord Ă  Bruxelles, puis Ă  Jersey et Ă  Guernesey. LĂ -bas naissent Les ChĂątiments 1853, Les Contemplations 1856, La LĂ©gende des siĂšcles 1859, Les MisĂ©rables 1862, Les Travailleurs de la mer 1866. Le poĂšte y dĂ©ploie son gĂ©nie en mĂȘme temps que ses inquiĂ©tudes sociales et sa sympathie pour tous les Gavroche. Ce n’est qu’à la chute du Second Empire, en 1870, qu’il peut enfin rentrer en France. Devenu une figure populaire, il est accueilli triomphalement. Plusieurs centaines de milliers de personnes assistent Ă  ses funĂ©railles en 1885, couronnant son statut d’écrivain le plus admirĂ© de son vivant. Le texte Écrites lors de sa pĂ©riode d’exil Ă  Guernesey mais parues aprĂšs sa mort, les Proses philosophiques sont des rĂ©flexions trĂšs libres, lyriques et poĂ©tiques sur les thĂšmes du goĂ»t, du beau et de l’art. Elles commencent par une cĂ©lĂ©bration de l’incommensurable beautĂ© du cosmos et se poursuivent par la description de l’élan crĂ©ateur humain. Hugo s’y place en modeste spectateur et admirateur de merveilles qui le subjuguent et le dĂ©passent. Du gĂ©nie BOCH Anna, Femme lisant dans un massif de rhododendrons © WikimĂ©dia Commons Vous ĂȘtes Ă  la campagne, il pleut, il faut tuer le temps, vous prenez un livre, le premier livre venu, vous vous mettez Ă  lire ce livre comme vous liriez le journal officiel de la prĂ©fecture ou la feuille d’affiches du chef-lieu, pensant Ă  autre chose, distrait, un peu bĂąillant. Tout Ă  coup vous vous sentez saisi, votre pensĂ©e semble ne plus ĂȘtre Ă  vous, votre distraction s’est dissipĂ©e, une sorte d’absorption, presque une sujĂ©tion, lui succĂšde, -vous n’ĂȘtes plus maĂźtre de vous lever et de vous en aller. Quelqu’un vous tient. Qui donc ? ce livre. Un livre est quelqu’un. Ne vous y fiez pas. Un livre est un engrenage. Prenez garde Ă  ces lignes noires sur du papier blanc ; ce sont des forces ; elles se combinent, se composent, se dĂ©composent, entrent l’une dans l’autre, pivotent l’une sur l’autre, se dĂ©vident, se nouent, s’accouplent, travaillent. Telle ligne mord, telle ligne serre et presse, telle ligne entraĂźne, telle ligne subjugue. Les idĂ©es sont un rouage. Vous vous sentez tirĂ© par le livre. Il ne vous lĂąchera qu’aprĂšs avoir donnĂ© une façon Ă  votre esprit. Quelquefois les lecteurs sortent du livre tout Ă  fait transformĂ©s. HomĂšre et la Bible font de ces miracles. Les plus fiers esprits, et les plus fins et les plus dĂ©licats, et les plus simples, et les plus grands, subissent ce charme. Shakespeare Ă©tait grisĂ© par Belleforest. La Fontaine allait partout criant Avez-vous lu Baruch ? Corneille, plus grand que Lucain, est fascinĂ© par Lucain. Dante est Ă©bloui de Virgile, moindre que lui. Entre tous, les grands livres sont irrĂ©sistibles. On peut ne pas se laisser faire par eux, on peut lire le Coran sans devenir musulman, on peut lire les VĂ©das sans devenir fakir, on peut lire Zadig sans devenir voltairien, mais on ne peut point ne pas les admirer. LĂ  est leur force. Je te salue et je te combats, parce que tu es roi, disait un Grec Ă  XerxĂšs. On admire prĂšs de soi. L’admiration des mĂ©diocres caractĂ©rise les envieux. L’admiration des grands poĂštes est le signe des grands critiques. Pour dĂ©couvrir au-delĂ  de tous les horizons les hauteurs absolues, il faut ĂȘtre soi-mĂȘme sur une hauteur. Ce que nous disons lĂ  est tellement vrai qu’il est impossible d’admirer un chef-d’Ɠuvre sans Ă©prouver en mĂȘme temps une certaine estime de soi. On se sait grĂ© de comprendre cela. Il y a dans l’admiration on ne sait quoi de fortifiant qui dignifie et grandit l’intelligence. L’enthousiasme est un cordial. Comprendre c’est approcher. Ouvrir un beau livre, s’y plaire, s’y plonger, s’y perdre, y croire, quelle fĂȘte ! On a toutes les surprises de l’inattendu dans le vrai. Des rĂ©vĂ©lations d’idĂ©al se succĂšdent coup sur coup. Mais qu’est-ce donc que le beau ? Ne dĂ©finissez pas, ne discutez pas, ne raisonnez pas, ne coupez pas un fil en quatre, ne cherchez pas midi Ă  quatorze heures, ne soyez pas votre propre ennemi Ă  force d’hĂ©sitation, de raideur et de scrupule. Quoi de plus bĂȘte qu’un pĂ©dant ? Allez devant vous, oubliez votre professeur de rhĂ©torique, dites-vous que Dieu est inĂ©puisable, dites-vous que l’art est illimitĂ©, dites-vous que la poĂ©sie ne tient dans aucun art poĂ©tique, pas plus que la mer dans aucun vase, cruche ou amphore ; soyez tout bonnement un honnĂȘte homme ayant la grandeur d’admirer, laissez-vous prendre par le poĂšte, ne chicanez pas la coupe sur l’ivresse, buvez, acceptez, sentez, comprenez, voyez, vivez, croissez ! L’éclair de l’immense, quelque chose qui resplendit, et qui est brusquement surhumain, voilĂ  le gĂ©nie. De certains coups d’aile suprĂȘmes. Vous tenez le livre, vous l’avez sous les yeux, tout Ă  coup il semble que la page se dĂ©chire du haut en bas comme le voile du temple. Par ce trou, l’infini apparaĂźt. Une strophe suffit, un vers suffit, un mot suffit. Le sommet est atteint. Tout est dit. Lisez Ugolin, Françoise dans le tourbillon, Achille insultant Agamemnon, PromĂ©thĂ©e enchaĂźnĂ©, les Sept chefs devant ThĂšbes, Hamlet dans le cimetiĂšre, Job sur son fumier. Fermez le livre maintenant. Songez. Vous avez vu les Ă©toiles. Il y a de certains hommes mystĂ©rieux qui ne peuvent faire autrement que d’ĂȘtre grands. Les bons badauds qui composent la grosse foule et le petit public et qu’il faut se garder de confondre avec le peuple, leur en veulent presque Ă  cause de cela. Les nains blĂąment le colosse. Sa grandeur, c’est sa faute. Qu’est-ce qu’il a donc, celui-lĂ , Ă  ĂȘtre grand ? S’appeler Miguel de CervantĂšs, François Rabelais ou Pierre Corneille, ne pas ĂȘtre le premier grimaud venu, exister Ă  part, jeter toute cette ombre et tenir toute cette place ; que tel mandarin, que tel sorbonniste, que tel doctrinaire fameux, grand personnage pourtant, ne vous vienne pas Ă  la hanche, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela ne se fait pas. C’est insupportable. COURBET Gustave, Le dĂ©sespĂ©rĂ© autoportrait, 1844-45 © Collection privĂ©e Pourquoi ces hommes sont-ils grands en effet ? ils ne le savent point eux-mĂȘmes. Celui-lĂ  le sait qui les a envoyĂ©s. Leur stature fait partie de leur fonction. Ils ont dans la prunelle quelque vision redoutable qu’ils emportent sous leur sourcil. Ils ont vu l’ocĂ©an comme HomĂšre, le Caucase comme Eschyle, la douleur comme Job, Babylone comme JĂ©rĂ©mie, Rome comme JuvĂ©nal, l’enfer comme Dante, le paradis comme Milton, l’homme comme Shakespeare, Pan comme LucrĂšce, JĂ©hovah comme IsaĂŻe. Ils ont, ivres de rĂȘve et d’intuition, dans leur marche presque inconsciente sur les eaux de l’abĂźme, traversĂ© le rayon Ă©trange de l’idĂ©al, et ils en sont Ă  jamais pĂ©nĂ©trĂ©s. Cette lueur se dĂ©gage de leurs visages, sombres pourtant, comme tout ce qui est plein d’inconnu. Ils ont sur la face une pĂąle sueur de lumiĂšre. L’ñme leur sort par les pores. Quelle Ăąme ? Dieu. Remplis qu’ils sont de ce jour divin, par moments missionnaires de civilisation, prophĂštes de progrĂšs, ils entr’ouvrent leur cƓur, et ils rĂ©pandent une vaste clartĂ© humaine ; cette clartĂ© est de la parole, car le Verbe, c’est le jour. – ĂŽ Dieu, criait JĂ©rĂŽme dans le dĂ©sert, je vous Ă©coute autant des yeux que des oreilles – Un enseignement, un conseil, un point d’appui moral, une espĂ©rance, voilĂ  leur don ; puis leur flanc bĂ©ant et saignant se referme, cette plaie qui s’est faite bouche et qui a parlĂ© rapproche ses lĂšvres et rentre dans le silence, et ce qui s’ouvre maintenant, c’est leur aile. Plus de pitiĂ©, plus de larmes. Éblouissement. Ils laissent l’humanitĂ© derriĂšre eux. Voir les autres horizons, approfondir cette aventure qu’on appelle l’espace, faire une excursion dans l’inconnu, aller Ă  la dĂ©couverte du cĂŽtĂ© de l’idĂ©al, il leur faut cela. Ils partent. Que leur fait l’azur ? que leur importe les tĂ©nĂšbres ? Ils s’en vont, ils tournent aux choses terrestres leur dos formidable, ils dĂ©veloppent brusquement leur envergure dĂ©mesurĂ©e, ils deviennent on ne sait quels monstres, spectres peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre archanges, et ils s’enfoncent dans l’infini terrible, avec un immense bruit d’aigles envolĂ©s. Puis tout Ă  coup ils reparaissent. Les voici. Ils consolent et sourient. Ce sont des hommes. Ces apparitions et ces disparitions, ces dĂ©parts et ces retours, ces occultations brusques et ces subites prĂ©sences Ă©blouissantes, le lecteur, absorbĂ©, illuminĂ© et aveuglĂ© par le livre, les sent plus qu’il ne les voit. Il est au pouvoir d’un poĂšte, possession troublante, frĂ©quentation presque magique et dĂ©moniaque, il a vaguement conscience du va-et-vient Ă©norme de ce gĂ©nie ; il le sent tantĂŽt loin, tantĂŽt prĂšs de lui ; et ces alternatives, qui font successivement pour lui lecteur l’obscuritĂ© et la lumiĂšre, se marquent dans son esprit par ces mots – Je ne comprends plus. – Je comprends. Quand Dante, quittant l’enfer, entre et monte dans le paradis, le refroidissement qu’éprouvent les lecteurs n’est pas autre chose que l’augmentation de distance entre Dante et eux. C’est la comĂšte qui s’éloigne. La chaleur diminue. Dante est plus haut, plus avant, plus au fond, plus loin de l’homme, plus prĂšs de l’absolu. Schlegel un jour, considĂ©rant tous ces gĂ©nies, a posĂ© cette question qui chez lui n’est qu’un Ă©lan d’enthousiasme et qui, chez Fourier ou Saint-Simon, serait le cri d’un systĂšme – Sont-ce vraiment des hommes, ces hommes-ci ? Oui, ce sont des hommes ; c’est leur misĂšre et c’est leur gloire. Ils ont faim et soif ; ils sont sujets du sang, du climat, du tempĂ©rament, de la fiĂšvre, de la femme, de la souffrance, du plaisir ; ils ont, comme tous les hommes, des penchants, des pentes, des entraĂźnements, des chutes, des assouvissements, des passions, des piĂšges, ils ont, comme tous les hommes, la chair avec ses maladies, et avec ses attraits, qui sont aussi des maladies. Ils ont leur bĂȘte. La matiĂšre pĂšse sur eux, et eux aussi ils gravitent. Pendant que leur esprit tourne autour de l’absolu, leur corps tourne autour du besoin, de l’appĂ©tit, de la faute. La chair a ses volontĂ©s, ses instincts, ses convoitises, ses prĂ©tentions au bien-ĂȘtre ; c’est une sorte de personne infĂ©rieure qui tire de son cĂŽtĂ©, fait ses affaires dans son coin, a son moi Ă  part dans la maison, pourvoit Ă  ses caprices ou Ă  ses nĂ©cessitĂ©s, parfois comme une voleuse, et Ă  la grande confusion de l’esprit auquel elle dĂ©robe ce qui est Ă  lui. L’ñme de Corneille fait Cinna ; la bĂȘte de Corneille dĂ©die Cinna au financier Montaron. PRETI Mattia, HomĂšre aveugle dĂ©tail, ca. 1635 © Academia Venezia Chez certains, sans rien leur ĂŽter de leur grandeur, l’humanitĂ© s’affirme par l’infirmitĂ©. Le rayon archangĂ©lesque est dans le cerveau ; la nuit brutale est dans la prunelle. HomĂšre est aveugle ; Milton est aveugle. Camoes borgne semble une insulte. Beethoven sourd est une ironie. Ésope bossu a l’air d’un Voltaire dont Dieu a fait l’esprit en laissant FrĂ©ron faire le corps. L’infirmitĂ© ou la difformitĂ© infligĂ©e Ă  ces bien-aimĂ©s augustes de la pensĂ©e fait l’effet d’un contrepoids sinistre, d’une compensation peu avouable lĂ -haut, d’une concession faite aux jalousies dont il semble que le crĂ©ateur doit avoir honte. C’est peut-ĂȘtre avec on ne sait quel triomphe envieux que, du fond de ces tĂ©nĂšbres, la matiĂšre regarde TyrtĂ©e et Byron planer comme gĂ©nies et boiter comme hommes. Ces infirmitĂ©s vĂ©nĂ©rables n’inspirent aucun effroi Ă  ceux que l’enthousiasme fait pensifs. Loin de lĂ . Elles semblent un signe d’élection. Être foudroyĂ©, c’est ĂȘtre prouvĂ© titan. C’est dĂ©jĂ  quelque chose de partager avec ceux d’en haut le privilĂšge d’un coup de tonnerre. À ce point de vue, les catastrophes ne sont plus catastrophes, les souffrances ne sont plus souffrances, les misĂšres ne sont plus misĂšres, les diminutions sont augmentations. Être infirme ainsi que les forts, cela tenterait volontiers. Je me rappelle qu’en 1828, tout jeune, au temps oĂč ‱‱‱ me faisait l’effet d’un ami, j’avais des taches obscures dans les yeux. Ces taches allaient s’élargissant et noircissant. Elles semblaient envahir lentement la rĂ©tine. Un soir,chez Charles Nodier, je contai mes taches noires, que j’appelais mes papillons, Ă  ‱‱‱, qui, Ă©tudiant en mĂ©decine et fils d’un pharmacien, Ă©tait censĂ© s’y connaĂźtre et s’y connaissait en effet. Il regarda mes yeux, et me dit doucement – C’est une amaurose commençante. Le nerf optique se paralyse. Dans quelques annĂ©es la cĂ©citĂ© sera complĂšte. Une pensĂ©e illumina subitement mon esprit. – Eh bien, lui rĂ©pondis-je en souriant, ce sera toujours ça. Et voilĂ  que je me mis Ă  espĂ©rer que je serais peut-ĂȘtre un jour aveugle comme HomĂšre et comme Milton. La jeunesse ne doute de rien. Le goĂ»t [ 
 ] Certaines Ɠuvres sont ce qu’on pourrait appeler les excĂšs du beau. Elles font plus qu’éclairer ; elles foudroient. Étant donnĂ©es les paresses et les lĂąchetĂ©s de l’esprit humain, cette foudre est bonne. Allons au fait, parquer la pensĂ©e de l’homme dans ce qu’on appelle “un grand siĂšcle” est puĂ©ril. La poĂ©sie suivant la cour a fait son temps. L’humanitĂ© ne peut se contenter Ă  jamais d’une tragĂ©die qui plafonne au-dessus de la tĂȘte-soleil de Louis XIV. Il est inouĂŻ de penser que tout notre enseignement universitaire en est encore lĂ  et qu’à la fin du dix-neuviĂšme siĂšcle les pĂ©dants et les cuistres tiennent bon sur toute la ligne. L’enseignement littĂ©raire est tout monarchique. MalgrĂ© 89, malgrĂ© 1830, le peuple n’existe pas encore en rhĂ©torique. Pourtant, ĂŽ ignorance des professeurs officiels ! la littĂ©rature antique proteste contre la littĂ©rature classique et, pour pratiquer le grand art libre, les anciens sont d’accord avec les nouveaux. Un jour BĂ©ranger, ce Français coupĂ© de Gaulois, ne sachant ni le latin ni le grec, le plus littĂ©raire des illettrĂ©s, vit un HomĂšre sur la table de Jouffroy. C’était au plus fort du mouvement de 1830, mouvement compliquĂ© de rĂ©sistance. BĂ©ranger, rencontrant HomĂšre, fut curieux de faire cette connaissance. Un chansonnier, qui voit passer un colosse, n’est pas fĂąchĂ© de lui taper sur l’épaule. –Lisez-moi donc un peu de ça, dit BĂ©ranger Ă  Jouffroy. Jouffroy contait qu’alors il ouvrit l’Iliade au hasard, et se mit Ă  lire Ă  voix haute, traduisant littĂ©ralement du grec en français. BĂ©ranger Ă©coutait. Tout Ă  coup, il interrompit Jouffroy et s’écria –Mais il n’y a pas ça ! – Si fait, rĂ©pondit Jouffroy. Je traduis Ă  la lettre. – Jouffroy Ă©tait prĂ©cisĂ©ment tombĂ© sur ces insultes d’Achille Ă  Agamemnon que nous citions tout Ă  l’heure. Quand le passage fut fini, BĂ©ranger, avec son sourire Ă  deux tranchants dont la moquerie restait indĂ©cise, dit HomĂšre est romantique. BĂ©ranger croyait faire une niche ; une niche Ă  tout le monde, et particuliĂšrement Ă  HomĂšre. Il disait une vĂ©ritĂ©. Romantique, traduisez primitif Ce que BĂ©ranger disait d’HomĂšre, on peut le dire d’ÉzĂ©chiel, on peut le dire de Plaute, onpeut le dire de Tertullien, on peut le dire du Romancero, on peut le dire des Niebelungen. On a vu qu’un professeur de l’école normale le disait de JuvĂ©nal. Ajoutons ceci un gĂ©nie primitif, ce n’est pas nĂ©cessairement un esprit de ce que nous appelons Ă  tort les temps primitifs. C’est un esprit qui, en quelque siĂšcle que ce soit et Ă  quelque civilisation qu’il appartienne, jaillit directement de la nature et de l’humanitĂ©. Quiconque boit Ă  la grande source est primitif ; quiconque vous y fait boire est primitif. Quiconque a l’ñme et la donne est primitif. Beaumarchais est primitif autant qu’Aristophane ; Diderot est primitif autant qu’HĂ©siode. Figaro et le Neveu de Rameau sortent tout de suite et sans transition du vaste fond humain. Il n’y a lĂ  aucun reflet ; ce sont des crĂ©ations immĂ©diates ; c’est de la vie prise dans la vie. Cet aspect de la nature qu’on nomme sociĂ©tĂ© inspire tout aussi bien les crĂ©ations primitives que cet autre aspect de la nature appelĂ© barbarie. Don Quichotte est aussi primitif qu’Ajax. L’un dĂ©fie les dieux, l’autre les moulins ; tous deux sont hommes. Nature, humanitĂ©, voilĂ  les eaux vives. L’époque n’y fait rien. On peut ĂȘtre un esprit primitif Ă  une Ă©poque secondaire comme le seiziĂšme siĂšcle, tĂ©moin Rabelais, et Ă  une Ă©poque tertiaire comme le dix-septiĂšme, tĂ©moin MoliĂšre. Primitif a la mĂȘme portĂ©e qu’original avec une nuance de plus. Le poĂšte primitif, en communication intime avec l’homme et la nature, ne relĂšve de personne. À quoi bon copier des livres, Ă  quoi bon copier des poĂštes, Ă  quoi bon copier des choses faites, quand on est riche de l’énorme richesse du possible, quand tout l’imaginable vous est livrĂ©, quand on a devant soi et Ă  soi tout le sombre chaos des types, et qu’on se sent dans la poitrine la voix qui peut crier “Fiat Lux”. Le poĂšte primitif a des devanciers, mais pas de guides. Ne vous laissez pas prendre aux illusions d’optique, Virgile n’est point le guide de Dante ; c’est Dante qui entraĂźne Virgile ; et oĂč le mĂšne-t-il ? chez Satan. C’est Ă  peine si Virgile tout seul est capable d’aller chez Pluton. Le poĂšte original est distinct du poĂšte primitif, en ce qu’il peut avoir, lui, des guides et des modĂšles. Le poĂšte original imite quelquefois ; le poĂšte primitif jamais. La Fontaine est original, CervantĂšs est primitif. À l’originalitĂ©, de certaines qualitĂ©s de style suffisent ; c’est l’idĂ©e-mĂšre qui fait l’écrivain primitif. Hamilton est original, ApulĂ©e est primitif. Tous les esprits primitifs sont originaux ; les esprits originaux ne sont pas tous primitifs. Selon l’occasion, le mĂȘme poĂšte peut ĂȘtre tantĂŽt original, tantĂŽt primitif. MoliĂšre, primitif dans Le Misanthrope, n’est qu’original dans Amphitryon. L’originalitĂ© a d’ailleurs, elle aussi, tous les droits ; mĂȘme le droit Ă  une certaine politesse, mĂȘme le droit Ă  une certaine faussetĂ©. Marivaux existe. Il ne s’agit que de s’entendre, et nous n’excluons, certes, aucun possible. La draperie est un goĂ»t, le chiffon en est un autre. Ce dernier goĂ»t, le chiffon, peut-il faire partie de l’art ? Non, dans les vaudevilles de Scribe. Oui, dans les figurines de Clodion. OĂč la langue manque, Boileau a raison, tout manque. Or la langue de l’art, que Scribe ignore, Clodion la sait. Le bonnet de Mimi Rosette peut avoir du style. Quand Coustou chiffonne une faille sur la tĂȘte d’un sphinx qui est une marquise, ce taffetas de marbre fait partie de la chimĂšre et vaut la tunique aux mille plis de la CythĂ©rĂ©e AnadyomĂšne. En vĂ©ritĂ©, il n’y a point de rĂšgles. Rien Ă©tant donnĂ©, pĂ©trissez-y l’art, et voici une ode d’Horace ou d’AnacrĂ©on. Une mode de la rue Vivienne, touchĂ©e par Coysevox ou Pradier, devient Ă©ternelle. Une maniĂšre d’écrire qu’on a tout seul, un certain pli magistralement imprimĂ© Ă  tout le style, un air de fĂȘte de la muse, une façon Ă  soi de toucher et de manier une idĂ©e, il n’en faut pas plus pour faire des artistes souverains ; tĂ©moin Horace. Cependant, insistons-y, le poĂšte qui voit dans l’art plus que l’art, le poĂšte qui dans la poĂ©sie voit l’homme, le poĂšte qui civilise Ă  bon escient, le poĂšte, maĂźtre parce qu’il est serviteur, c’est celui-lĂ  que nous saluons. Qu’un Goethe est petit Ă  cĂŽtĂ© d’un Dante ! En toute chose, nous prĂ©fĂ©rons celui qui peut s’écrier j’ai voulu ! Ceci soit dit sans mĂ©connaĂźtre, certes, la toute-puissance virtuelle et intrinsĂšque de la beautĂ©, mĂȘme indiffĂ©rente. Si d’aussi chĂ©tifs dĂ©tails valaient la peine d’ĂȘtre notĂ©s, ce serait peut-ĂȘtre ici le lieu de rappeler, chemin faisant, les aberrations et les puĂ©rilitĂ©s malsaines d’une Ă©cole de critique contemporaine, morte aujourd’hui, et dont il ne reste plus un seul reprĂ©sentant, le propre du faux Ă©tant de ne se point recruter. Ce fut la mode dans cette Ă©cole, qui a fleuri un moment, d’attaquer ce que, dans un argot bizarre, elle nommait la forme’. La forme forma, la beautĂ©. Quel Ă©trange mot d’ordre ! Plus tard, ce fut l’attaque Ă  la grandeur. Faire grand’ devint un dĂ©faut. Quand le beau est un tort, c’est le signe des Ă©poques bourgeoises ; quand le grand est un crime, c’est le signe des rĂšgnes petits. La logomachie Ă©tait curieuse. Cette Ă©cole avait rendu ce dĂ©cret la forme est incompatible avec le fond. Le style exclut la pensĂ©e. L’image tue l’idĂ©e. Le beau est stĂ©rile. L’organe de la conception et de la fĂ©condation lui manque. VĂ©nus ne peut faire d’enfants. Or c’est le contraire qui est vrai. La beautĂ©, Ă©tant l’harmonie, est par cela mĂȘme la fĂ©conditĂ©. La forme et le fond sont aussi indivisibles que la chair et le sang. Le sang, c’est de la chair coulante ; la forme, c’est le fond fluide entrant dans tous les mots et les empourprant. Pas de fond, pas de forme. La forme est la rĂ©sultante. S’il n’y a point de fond, de quoi la forme est-elle la forme ? Nous objectera-t-on que nous avons dit tout Ă  l’heure Rien Ă©tant donnĂ©, etc. ; mais Rien n’avait lĂ  qu’un sens relatif, “nescio quid meditans nugarum” [“Je ne sais quelles bagatelles“, tirĂ© de Satire d’Horace, 65-8 ACN], et une bagatelle d’Horace, c’est quelquefois le fond mĂȘme de la vie humaine. Le beau est l’épanouissement du vrai la splendeur, a dit Platon. Fouillez les Ă©tymologies, arrivez Ă  la racine des vocables, image et idĂ©e sont le mĂȘme mot. Il y a entre ce que vous nommez forme et ce que vous nommez fond identitĂ© absolue, l’une Ă©tant l’extĂ©rieur de l’autre, la forme Ă©tant le fond, rendu visible. Si cette Ă©cole du passĂ© avait raison, si l’image excluait l’idĂ©e, HomĂšre, Eschyle, Dante, Shakespeare, qui ne parlent que par images, seraient vides. La Bible qui, comme Bossuet le constate, est toute figures, serait creuse. Ces chefs-d’Ɠuvre de l’esprit humain seraient de la forme’. De pensĂ©e point. VoilĂ  oĂč mĂšne un faux point de dĂ©part. Cette Ă©cole de critique, un instant en crĂ©dit, a disparu et est maintenant oubliĂ©e. C’est comme cas singulier que nous la mentionnons ici dans notre clinique ; car, comme l’art lui-mĂȘme, la critique a ses maladies, et la philosophie de l’art est tenue de les enregistrer. Cela est mort, peu importe ; de certains spĂ©cimens veulent ĂȘtre conservĂ©s. Ce qui n’est pas nĂ© viable a droit au bocal des fƓtus. Nous y mettons cette critique. REPIN Ilia, Quelle libertĂ© ! 1903 © MusĂ©e russe, Saint-Petersbourg De loi en loi, de dĂ©duction en dĂ©duction, nous arrivons Ă  ceci carte blanche, coudĂ©es franches, cĂąbles coupĂ©s, portes toutes grandes ouvertes, allez. Qu’est-ce que l’ocĂ©an? C’est une permission. Permission redoutable, sans nul doute. Permission de se noyer, mais permission de dĂ©couvrir un monde. Aucun rhumb de vent [En navigation, le rhumb est la quantitĂ© angulaire comprise entre deux des trente-deux aires de vent de la boussole], aucune puissance, aucune souverainetĂ©, aucune latitude, aucune aventure, aucune rĂ©ussite, ne sont refusĂ©s au gĂ©nie. La mer donne permission Ă  la nage, Ă  la rame, Ă  la voile, Ă  la vapeur, Ă  l’aube, Ă  l’hĂ©lice. L’atmosphĂšre donne permission aux ailes et aux aĂ©roscaphes, aux condors et aux hippogriffes. Le gĂ©nie, c’est l’omnifacultĂ©. En poĂ©sie, il procĂšde par une continuitĂ© prodigieuse de l’Iliade, sans qu’on puisse imaginer oĂč s’arrĂȘtera cette sĂ©rie d’HomĂšre dont Rabelais et Shakespeare font partie. En architecture, tantĂŽt il lui plaĂźt de sublimer la cabane, et il fait le temple; tantĂŽt il lui plaĂźt d’humaniser la montagne, et, s’il la veut simple, il fait la pyramide, et, s’il la veut touffue, il fait la cathĂ©drale ; aussi riche avec la ligne droite qu’avec les mille angles brisĂ©s de la forĂȘt, Ă©galement maĂźtre de la symĂ©trie Ă  laquelle il ajoute l’immensitĂ©, et du chaos auquel il impose l’équilibre. Quant au mystĂšre, il en dispose. À un certain moment sacrĂ© de l’annĂ©e, prolongez vers le zĂ©nith la ligne de KhĂ©ops, et vous arriverez, stupĂ©fait, Ă  l’étoile du Dragon ; regardez les flĂšches de Chartres, d’Angers, de Strasbourg, les portails d’Amiens et de Reims, la nef de Cologne, et vous sentirez l’abĂźme. Sa science est prodigieuse. Les initiĂ©s seuls, et les forts,savent quelle algĂšbre il y a sous la musique ; il sait tout, et ce qu’il ne sait pas, il le devine, et ce qu’il ne devine pas, il l’invente, et ce qu’il n’invente pas, il le crĂ©e ; et il invente vrai, et il crĂ©e viable. Il possĂšde Ă  fond la mathĂ©matique de l’art ; il est Ă  l’aise dans des confusions d’astres et de ciels ; le nombre n’a rien Ă  lui enseigner; il en extrait, avec la mĂȘme facilitĂ©, le binĂŽme pour le calcul et le rythme pour l’imagination ; il a, dans sa boĂźte d’outils, employant le fer oĂč les autres n’ont que le plomb, et l’acier oĂč les autres n’ont que le fer, et le diamant oĂč les autres n’ont que l’acier, et l’étoile oĂč les autres n’ont que le diamant, il a la grande correction, la grande rĂ©gularitĂ©, la grande syntaxe, la grande mĂ©thode, et nul comme lui n’a la maniĂšre de s’en servir. Et il complique toute cette sagesse d’on ne sait quelle folie divine, et c’est lĂ  le gĂ©nie. C’est une chose profonde que la critique, et dĂ©fendue aux mĂ©diocres. Le grand critique est un grand philosophe ; les enthousiasmes de l’art Ă©tudiĂ© ne sont donnĂ©s qu’aux intelligences supĂ©rieures ; savoir admirer est une haute puissance. [ 
 ] L’antagonisme supposĂ© du goĂ»t et du gĂ©nie est une des niaiseries de l’école. Pas d’invention plus grotesque que cette prise aux cheveux de la muse par la muse. Uranie et Galliope en viennent aux coiffes. Non, rien de tel dans l’art. Tout y harmonie, mĂȘme la dissonance. Le goĂ»t, comme le gĂ©nie, est essentiellement divin. Le gĂ©nie, c’est la conquĂȘte ; le goĂ»t, c’est le choix. La griffe toute-puissante commence par tout prendre, puis l’Ɠil flamboyant fait le triage. Ce triage dans la proie, c’est le goĂ»t. Chaque gĂ©nie le fait Ă  sa guise. Les Ă©piques mĂȘmes diffĂšrent entre eux d’humeur. Le triage d’HomĂšre n’est pas le triage de Rabelais. Quelquefois, ce que l’un rejette, l’autre le garde. Ils savent tous les deux ce qu’ils font, mais ils ne peuvent jurer de rien ni l’un ni l’autre, l’idĂ©al, qui est l’infini, est au-dessus d’eux, et il pourra fort bien arriver un jour, si l’éclair hĂ©roĂŻque et la foudre cynique se mĂȘlent, qu’un mot de Rabelais devienne un mot d’HomĂšre, et alors ce sera Cambronne qui le prononcera. L’art a, comme la flamme, une puissance de sublimation. Jetez dans l’art, comme dans la flamme, les poisons, les ordures, les rouilles, les oxydes, l’arsenic, le vert-de-gris, faites passer ces incandescences Ă  travers le prisme ou Ă  travers la poĂ©sie, vous aurez des spectres splendides, et le laid deviendra le grand, et le mal deviendra le beau. Chose surprenante et ravissante Ă  affirmer, le mal entrera dans le beau et s’y transfigurera. Car le beau n’est autre chose que la sainte lumiĂšre du bon. Dans le goĂ»t, comme dans le gĂ©nie, il y a de l’infini. Le goĂ»t, ce pourquoi mystĂ©rieux, cette raison de chaque mot employĂ©, cette prĂ©fĂ©rence obscure et souveraine qui, au fond du cerveau, rend des lois propres Ă  chaque esprit, cette seconde conscience donnĂ©e aux seuls poĂštes, et aussi lumineuse que l’autre, cette intuition impĂ©rieuse de la limite invisible, fait partie, comme l’inspiration mĂȘme, de la redoutable puissance inconnue. Tous les souffles viennent de la bouche unique. Le gĂ©nie et le goĂ»t ont une unitĂ© qui est l’absolu, et une rencontre qui est la beautĂ©. UtilitĂ© du Beau ANTO-CARTE, Le Jardinier 1941, photo Jacques Vandenberg © SABAM Belgium 2022 Un homme a, par don de nature ou par dĂ©veloppement d’éducation, le sentiment du Beau. Supposez-le en prĂ©sence d’un chef-d’Ɠuvre, mĂȘme d’un de ces chefs-d’Ɠuvre qui semblent inutiles, c’est-a-dire qui sont créés sans souci direct de l’humain, du juste et de l’honnĂȘte, dĂ©gagĂ©s de toute prĂ©occupation de conscience et faits sans autre but que le Beau ; c’est une statue, c’est un tableau, c’est une symphonie, c’est un Ă©difice, c’est un poĂšme. En apparence, cela ne sert Ă  rien, Ă  quoi bon une VĂ©nus ? Ă  quoi bon une flĂšche d’église ? Ă  quoi bon une ode sur le printemps ou l’aurore, etc., avec ses rimes ? Mettez cet homme devant cette Ɠuvre. Que se passe-t-il en lui ? le Beau est lĂ . L’homme regarde, l’homme Ă©coute ; peu Ă  peu, il fait plus que regarder, il voit ; il fait plus qu’écouter, il entend. Le mystĂšre de l’art commence Ă  opĂ©rer ; toute Ɠuvre d’art est une bouche de chaleur vitale ; l’homme se sent dilatĂ©. La lueur de l’absolu, si prodigieusement lointaine, rayonne Ă  travers cette chose, lueur sacrĂ©e et presque formidable Ă  force d’ĂȘtre pure. L’homme s’absorbe de plus en plus dans cette Ɠuvre ; il la trouve belle ; il la sent s’introduire en lui. Le Beau est vrai de droit. L’homme, soumis Ă  l’action du chef-d’Ɠuvre, palpite, et son cƓur ressemble Ă  l’oiseau qui, sous la fascination, augmente son battement d’ailes. Qui dit belle Ɠuvre dit Ɠuvre profonde ; il a le vertige de cette merveille entr’ouverte. Les doubles-fonds du Beau sont innombrables. Sans que cet homme, soumis Ă  l’épreuve de l’admiration, s’en rende bien clairement compte peut-ĂȘtre, cette religion qui sort de toute perfection, la quantitĂ© de rĂ©vĂ©lation qui est dans le Beau, l’éternel affirmĂ© par l’immortel, la constatation ravissante du triomphe de l’homme dans l’art, le magnifique spectacle, en face de la crĂ©ation divine, d’une crĂ©ation humaine, Ă©mulation inouĂŻe avec la nature, l’audace qu’a cette chose d’ĂȘtre un chef-d’Ɠuvre Ă  cĂŽtĂ© du soleil, l’ineffable fusion de tous les Ă©lĂ©ments de l’art, la ligne, le son, la couleur, l’idĂ©e, en une sorte de rythme sacrĂ©, d’accord avec le mystĂšre musical du ciel, tous ces phĂ©nomĂšnes le pressent obscurĂ©ment et accomplissent, Ă  son insu mĂȘme, on ne sait quelle perturbation en lui. Perturbation fĂ©conde. Une inexprimable pĂ©nĂ©tration du Beau lui entre par tous les pores. Il creuse et sonde de plus en plus l’Ɠuvre Ă©tudiĂ©e ; il se dĂ©clare que c’est une victoire pour une intelligence de comprendre cela, et que tous peut-ĂȘtre n’en sont pas capables ni dignes; il y a de l’exception dans l’admiration, une espĂšce de fiertĂ© amĂ©liorante le gagne ; il se sent Ă©lu, il lui semble que ce poĂšme l’a choisi. Il est possĂ©dĂ© du chef-d’Ɠuvre. Par degrĂ©s, lentement, Ă  mesure qu’il contemple ou Ă  mesure qu’il lit, d’échelon en Ă©chelon, montant toujours, il assiste, stupĂ©fait, Ă  sa croissance intĂ©rieure ; il voit, il comprend, il accepte, il songe, il pense, il s’attendrit, il veut ; les sept marches de l’initiation ; les sept noces de la lyre auguste qui est nous-mĂȘmes. Il ferme les yeux pour mieux voir, il mĂ©dite ce qu’il a contemplĂ©, il s’absorbe dans l’intuition, et tout Ă  coup, net, clair, incontestable, triomphant, sans trouble, sans brume, sans nuage, au fond de son cerveau, chambre noire, l’éblouissant spectre solaire de l’idĂ©al apparaĂźt ; et voilĂ  cet homme qui a un autre cƓur. [ 
 ] [INFOS QUALITE] statut validĂ© mode d’édition partage, correction et iconographie sources Philosophie Magazine n°137 ; contributeur Patrick Thonart crĂ©dits illustrations en-tĂȘte, Victor Hugo par Edmond Bacot 1862 © WIKIMEDIA COMMONS Victor Hugo dans Textes
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 THONART Il Ă©tait une fois une MĂ©chante Reine
 malgrĂ© elle 2011CHAISSAC, Gaston 1910-1964LAWRENCE textesKIPLING textesBREL Les Flamingants 1977FOIX textesVIENNE L’équilibre nouvelle, 2017RAHIR La BeautĂ© sĂ»re de nos vies 2020DE LUCA Montedidio GALLIMARD, Folio, 2002VALERY textesLABE Baise m’encor Sonnets, 1555
CetteannĂ©e, c’est le 135 Ăšme anniversaire des funĂ©railles nationales de Victor Hugo. L’occasion de revenir sur les engagements qui ont marquĂ© la vie de cet Ă©crivain connu et reconnu Ă  travers le monde. En effet, ses Ɠuvres ont construit et exportĂ© sa rĂ©putation avec, en substance, la notion d’engagement.

Le Deal du moment Cartes PokĂ©mon Japon le display ... Voir le deal Les Mahteux ÂŻ`._.[ La LittĂ©rature ]._.ÂŽÂŻ Pour ceux qui aiment la poĂ©sie AuteurMessageZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Ven 24 Oct - 830 MORS Je vis cette faucheuse. Elle Ă©tait dans son champ. Elle allait Ă  grands pas moissonnant et fauchant, Noir squelette laissant passer le crĂ©puscule. Dans l'ombre oĂč l'on dirait que tout tremble et recule, L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx. Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux Tombaient; elle changeait en dĂ©sert Babylone, Le trĂŽne en l'Ă©chafaud et l'Ă©chafaud en trĂŽne, Les roses en fumier, les enfants en oiseaux, L'or en cendre, et les yeux des mĂšres en ruisseaux. Et les femmes criaient - Rends-nous ce petit ĂȘtre. Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naĂźtre? - Ce n'Ă©tait qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas; Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats; Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre; Les peuples Ă©perdus semblaient sous la faulx sombre Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit; Tout Ă©tait sous ses pieds deuil, Ă©pouvante et nuit. DerriĂšre elle, le front baignĂ© de douces flammes, Un ange souriant portait la gerbe d'Ăąmes. Mars Hugo, Les Contemplations 1856 ZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Ven 24 Oct - 832 Commentaire littĂ©raire I- Qui voit ? Qui est vu ?DiffĂ©rents personnages les hommes pas de portait prĂ©cis, pas de nom, dĂ©signe les hommes en gĂ©nĂ©ral, la faucheuse allĂ©gorie de la mort, dĂ©signĂ©e par elle », squelette », faux » ,elle-mĂȘme dĂ©signĂ©e par lueur », rayon lumineux faible, le poĂšte je », inspirĂ© par la Muse, a le sentiment d’avoir une mission, il a un don de poĂšte voyant, il est un peu en retrait, il voit la mort agir et le lecteur est invitĂ© Ă  le rejoindre, fĂ©e, peuples, triomphateurs gĂ©nĂ©raux, gens qui sont plus puissants, ange, ensemble de l’humanitĂ© reprĂ©sentĂ©e, la mort touche tout le monde, pas de lieu dĂ©crit. La mort est toute puissante, c’est elle qui a le dernier Qu’est-ce qui fait la puissance de la mort ?Elle agit en tout lieu et concerne tout le monde, toute Ă©poque Babylone, fait rĂ©fĂ©rence Ă  d’anciennes civilisations, occupation de l’espace en bas, en haut », elle domine, marque le territoire, il y a des antithĂšses rosefumier, orcendres. On passe d’un extrĂȘme a l’autre, mĂ©tamorphose brutal des situations, illusion que peut avoir l’homme d’ĂȘtre tout puissant, riche => inversement des rĂŽles, pouvoir inexorable. La mort ne peut ĂȘtre arrĂȘtĂ©e, domination de la Sort de l’humanitĂ©On ne peut lutter contre cette mort, elle touche tout le monde, le poĂšte ne peut agir contre cette Champs lexical de la mortPeur, nuit, mort, angoisse
, Ă©vocation de la peur doigts osseux, noirs grabats »On peut Ă©galement travailler sur les sonoritĂ©s et les sensations de ce poĂšme, notamment lorsque Hugo parle de la faucheuse, les sonoritĂ©s entraĂźnent le lecteur dans une atmosphĂšre pesante et angoissante
Conclusion De ce poĂšme, c’est tout d’abord la vision effroyable que nous retiendrons, l’utilisation particuliĂšrement efficace des procĂ©dĂ©s poĂ©tiques, linguistiques, auditifs. On observe cependant un contraste avec l’ange, il n’y a pas de transition pour dĂ©signer l’ange Ă  part le terme derriĂšre elle », il reprĂ©sente une vison de paix, d’apaisement, sourire, vision plutĂŽt positive. Toutefois, derriĂšre le pessimisme de ce texte, que la brĂšve conclusion ne parvient pas a dissiper, il est important de souligner que Victor Hugo, est bien au bout de son long combat personnel de la mort de sa fille, le moi » s’efface pour laisser place Ă  une prĂ©occupation plus large, et Hugo redevient le mage et le chantre de l’humanitĂ©. Hugo Ă©tait persuadĂ© d’une vie aprĂšs la mort. ZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Ven 24 Oct - 834 Autre possibilitĂ© analyse linĂ©aire du poĂšme MorsIntroduction Le poĂšme Mors de Victor Hugo que nous allons Ă©tudier est un poĂšme de 20 vers qui nous prĂ©sente le triomphe absolu de la mort, par la description d'une atmosphĂšre d'apocalypse que les deux derniers vers ne parviennent peut-ĂȘtre pas Ă  dissiper. Le poĂšme s'organise autour d'un double jeu de sensations. D'une part, la sensation visuelle, largement dĂ©veloppĂ©e dans les dix premiers vers, introduite par le passĂ© simple "je vis"; d'autre part la sensation auditive dĂ©veloppĂ©e Ă  partir du verbe "crier". Nous allons faire une lecture linĂ©aire du poĂšme Mors qui s'efforcera de dĂ©velopper Ă  partir de l'Ă©tude des procĂ©dĂ©s stylistiques et phonĂ©tiques ce double jeu de linĂ©aire InstallĂ© au dessus du poĂšme avec des majuscules Ă©crasantes et la tonalitĂ© d'Ă©ternitĂ© que lui donne l'utilisation du latin, le titre Mors prĂ©figure l'ensemble du texte. Le jeu initial vient donner au texte sa tonalitĂ© lyrique. Toutefois, c'est lĂ  sa derniĂšre pensĂ©e du poĂšte s'Ă©largit pour prendre en compte l'humanitĂ© toute entiĂšre. La mort nous est prĂ©sentĂ©e Ă  travers l'allĂ©gorie traditionnelle de la "faucheuse". Une mort qui est constamment prĂ©sente comme le suggĂšre l'imparfait, une mort que nous connaissons de plus comme l'indique le dĂ©monstratif "cette"; mais une mort qui surprend toujours, comme elle surprit le poĂšte lui-mĂȘme par l'utilisation du passĂ© simple "je vis".Le royaume de la mort nous est prĂ©cisĂ© Ă  travers la mĂ©taphore du "champ" qui, dans ses accents pascaliens, rĂ©duit le monde Ă  un espace limitĂ©. C'est la mĂȘme mĂ©taphore filĂ©e qui vient nous dĂ©crire l'activitĂ© incessante de la mort "moissonnant et fauchant". La rĂ©pĂ©tition des participes prĂ©sents souligne le travail rĂ©pĂ©titif, alors que le verbe "aller" nous montre qu'aucun obstacle ne peut freiner ce content de nous le dĂ©crire, Hugo nous le fait initiative des chuintantes et des sifflantes dĂ©veloppĂ©e tout au long du poĂšme Ă©voque parfaitement le sifflement sinistre de la "faulx" "faucheuse" et "champ", "moissonnant" et "fauchent", "triomphateurs" et "triomphaux", "Ă©chafaud" rĂ©pĂ©tĂ© deux fois. Dans une atmosphĂšre d'apocalypse, la mort nous est prĂ©sentĂ©e Ă  partir d'un champ lexical de la peur et de la nuit "noir", "squelette", "crĂ©puscule", "ombre", "tremble" en mĂȘme temps que les gutturales "crĂ©puscule", "ombre", "dirait", "tremble", "recule" qui nous font entendre le frisson de la au spectre qui se fond dans la nuit "laissant passer le crĂ©puscule", la victime est incapable du moindre mouvement "suivait des yeux" alors que l'arme prend des allures particuliĂšrement inquiĂ©tantes, parce qu'elle est presque invisible elle aussi "les lueurs de la faulx". La mort travaille donc inlassablement, frappant d'Ă©galitĂ© l'ensemble de ses victimes. L'alexandrin hugolien se gonfle de la puissance humaine Ă©voquĂ©e par la redondance "triomphateurs", "triomphaux", "l'arc" connotant Ă©galement le cette puissance humaine qui contient d'ailleurs en elle-mĂȘme le bruit de l'arme qui doit l'abattre "faulx" est balayĂ©e par le rejet du verbe "tomber". Par un jeu d'antithĂšses, le poĂšte insiste sur le travail de la mort, l'opulence de "Babylone" s'oppose Ă  l'austĂ©ritĂ© du "dĂ©sert", le lieu des supplices "Ă©chafaud" s'oppose Ă  la noblesse du "trĂŽne" image Ă©galisatrice qui est soutenue par le chiasme. L'antithĂšse est Ă©galement affective de la "rose" au "fumier". Enfin, "l'or", symbole de richesse et de puissance s'oppose Ă  la "cendre" qui connote la poussiĂšre et la Hugo ne peut pousser jusqu'au bout ce jeu de l'antithĂšse au cadavre de "l'enfant", il substitue sous forme d'espoir l'image aĂ©rienne et libre de "l'oiseau"; travail qui engendre la souffrance et la rĂ©volte, une souffrance qui est symbolisĂ©e par l'hyperbolique peine des "mĂšres" "les yeux en ruisseaux", rĂ©volte qui introduit la sensation auditive dominante dans la seconde partie "criaient", rĂ©volte mise en valeur par l'impĂ©ratif "rends-nous" oĂč la main semble hĂ©siter Ă  se croiser ou Ă  se lever, poing fermĂ© vers le ciel. Travail de la mort qui va en effet jusqu'Ă  l'absurditĂ© insupportable. La cohabitation dans le mĂȘme vers des verbes "mourir" et "naĂźtre" nous confronte en effet Ă  la mort de l'enfant, plus incomprĂ©hensible poĂšme se termine dans une nouvelle Ă©vocation de la peur et de l'horreur l'horreur des "doigts osseux", des "noirs grabats", des "linceuls", des "peuples Ă©perdus", de "la faulx sombre", du "troupeau frissonnant", montrent un champ lexical particuliĂšrement dĂ©veloppĂ©. DerriĂšre le vocabulaire, la musique des mots le souffle glacĂ© de la bise "vent", "froid", "bruisser", "linceul", "semblaient", "sous", "faulx", "sombre", "frissonnant", "s'enfuit", la peur phonĂ©tique des gutturales "sortaient", "noirs grabats", "froid", "bruissait", "nombre", "Ă©perdus", "sombre", "troupeau", "frissonnant", "ombre". La rime assourdie "nombre-sombre" reprise phonĂ©tiquement par le mot "ombre" contribue aussi, de par ses tonalitĂ©s mineures, Ă  la tristesse du tableau. Tableau qui se termine par l'effrayante synthĂšse ponctuĂ©e par les monosyllabes "tout", "sous", "ces", "pieds", "deuil", "et", "nuit" ainsi que par la gradation "deuil", "Ă©pouvante", "nuit". La "nuit" traduit une fin brutale. La rime masculine, l'accent douloureux du "i" viennent interrompre la ici que pourrait se terminer le poĂšme, cependant, les deux derniers vers allument un espoir, qui est soulignĂ© par l'antithĂšse du vocabulaire et l'antithĂšse phonĂ©tique. Aux champs lexicaux de la chaleur et de la nuit s'opposent les champs lexicaux de la chaleur et de la lumiĂšre "baignĂ©", "douces flammes", "souriant". Au locatif "sous" s'oppose le locatif "derriĂšre elle". Aux sonoritĂ©s Ă©touffĂ©es "sombre", "ombre" s'oppose l'ouverture des voyelles "derriĂšre", "baignĂ©", "flammes", "ange", "souriant", "portrait", "Ăąmes". Enfin, Hugo rĂ©utilise la mĂ©taphore filĂ©e c'est la mort qui moissonne et c'est l'ange qui De ce poĂšme, c'est naturellement tout d'abord la vision effroyable que nous retiendrons, l'utilisation particuliĂšrement efficace des procĂ©dĂ©s poĂ©tiques, linguistiques et auditifs. Toutefois, derriĂšre le pessimisme de ce texte, que la brĂšve conclusion de parvient pas Ă  dissiper, il est important de souligner que Victor Hugo est bien au bout de son long combat personnel de la mort de LĂ©opoldine. Le "moi" s'efface pour laisser place Ă  une prĂ©occupation plus large, et Hugo redevient le mage et le chantre de l'humanitĂ©. Contenu sponsorisĂ©Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Page 1 sur 1Permission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forumLes Mahteux ÂŻ`._.[ La LittĂ©rature ]._.ÂŽÂŻ Pour ceux qui aiment la poĂ©sieSauter vers

Ala mĂšre de l'enfant mort. 07:30. Victor HUGO (1802-1885) A la mĂšre de l'enfant mort. Oh! vous aurez trop dit au pauvre petit ange. Qu'il est d'autres anges lĂ -haut, Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n'y change, Qu'il est doux d'y rentrer bientĂŽt; Que le ciel est un dĂŽme aux merveilleux pilastres,
Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ;On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă  se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ;Et soudain on entend quelqu'un dans l'infiniQui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est bĂ©ni,Sans voir la main d'oĂč tombe Ă  notre Ăąme mĂ©chanteL'amour, et sans savoir quelle est la voix qui arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sentFondre et vivre ; et, d'extase et d'azur d'emplissant,Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trangeDu monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange.

VICTORHUGO : RUY BLAS : ACTE V SCENE 4 (DENOUEMENT) (COMMENTAIRE COMPOSE) " Ruy Blas " clÎt la carriÚre du grand Hugo en tant que dramaturge. Ce drame romantique écrit en vers (alexandrins), et composé en 1838, démontre tout l'art du poÚte. Notre scÚne de dénouement présente une double particularité, le héros va jusqu'au suicide

Ce que c'est que la mort - Victor Hugo LA MORT ET LE DEUILTHEME GENERAL Ce que c'est que la mort "Les Contemplations" - 1856Victor HugoRĂ©citant Michel BouquetNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ;On est l’homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d’oublier le bas, la fin, l’écueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă  se remplir d’orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ;Et soudain on entend quelqu’un dans l’infiniQui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est bĂ©ni,Sans voir la main d’oĂč tombe Ă  notre Ăąme mĂ©chanteL’amour, et sans savoir quelle est la voix qui arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sentFondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant,Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trangeDu monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. _________________La poĂ©sie, c'est les paroles Ă©parses du rĂ©el Octavio Paz Permission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forum 3kH1.
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