HugoĂ©crit ces Contemplations abouchĂ© Ă la mort.« Contempler » dâailleurs nâest pas exactement voir, mais plutĂŽt laisser flotter son regard ou le dĂ©couper au fil du rĂȘve intĂ©rieur ou des lambeaux de son imagination (templum en latin, câest aussi la dĂ©coupe dâun rectangle dans le ciel).Hugo qui sait si exactement poser son regard (Choses vues) et sa parole, remplit
Temps de lecture 24 minutes > Il est rare que lâĆuvre comme les engagements dâun auteur suscitent lâadmiration câest le cas de Victor HUGO 1806-1885. Ă la fois poĂšte, Ă©crivain, dramaturge, dessinateur et homme politique, il a fait rimer idĂ©aux esthĂ©tiques et sociaux. Ouvrir Les MisĂ©rables ou Les Contemplations, câest comprendre le sens du mot gĂ©nie ». Savoir admirer est une haute puissance. Victor Hugo [ 31 juillet 2021] Si je vous dis Notre Dame de Paris, Les MisĂ©rables ou encore LâHomme qui rit, vous me rĂ©pondez sans aucune hĂ©sitation Victor Hugo ! Parmi les nombreuses histoires qui accompagnent lâun des Ă©crivains les plus cĂ©lĂšbres de la littĂ©rature française, saviez-vous seulement que la Belgique Ă©tait devenue sa terre dâasile pendant plus de 500 jours ? Pour vous y retrouver, cliquez ici... DerriĂšre lâauteur, le politique engagĂ©Belgique, terre dâaccueilIntroductionLâauteurLe texteDu gĂ©nieLe goĂ»tUtilitĂ© du Beau DerriĂšre lâauteur, le politique engagĂ© Celui qui est considĂ©rĂ© comme le pĂšre du romantisme français met sa plume au service de son engagement politique. Plusieurs sources situent ses dĂ©buts en politique aprĂšs le dĂ©cĂšs tragique de sa fille, LĂ©opoldine, en 1843. Quel quâen ait Ă©tĂ© lâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur, Victor Hugo est nommĂ© âPair de Franceâ par le roi Louis-Philippe en 1845 et rejoint le camp des RĂ©publicains. Membre de lâAcadĂ©mie française depuis 1841, le poĂšte se dresse contre la peine de mort et lâinjustice sociale, Ă la Chambre, et est Ă©lu maire du 8e arrondissement de Paris et dĂ©putĂ© en 1848. Sous la IIe RĂ©publique, Hugo juge les lois trop rĂ©actionnaires, et dĂ©nonce la rĂ©duction du droit de vote et de la libertĂ© de la presse. Il sâinsurge Ă©galement face Ă la terrible rĂ©pression menĂ©e par lâarmĂ©e suite aux 4 journĂ©es dâinsurrection ouvriĂšre Ă Paris, en juin 1848. Initialement alliĂ© au rĂ©gime du roi, le romantique se dĂ©tache finalement de la droite, pour soutenir la candidature de Louis NapolĂ©on Bonaparte. Ălu PrĂ©sident de la RĂ©publique le 10 dĂ©cembre 1848, mais politiquement isolĂ©, ce dernier Ă©choue Ă sâattirer les bonnes grĂąces de lâAssemblĂ©e, majoritairement conservatrice. A ses yeux, le futur NapolĂ©on III reprĂ©sente le chef de la famille Bonaparte, lâhĂ©ritier de lâEmpereur, son oncle, et son continuateur prĂ©somptif. Il y a lĂ un problĂšme sa fonction prĂ©sidentielle est limitĂ©e Ă un seul mandat de 4 ans. Impossible, donc, pour Louis-NapolĂ©on de rallonger sa prĂ©sidence pour la transformer en monarchie, Ă moins dâimposer la rĂ©vision par la force. Belgique, terre dâaccueil âMoi, je les aime fort ces bons Belgesâ © Pour contrer le coup dâEtat du 2 dĂ©cembre 1851, visant Ă rĂ©tablir lâEmpire, Victor Hugo signe un appel Ă la rĂ©sistance armĂ©e â âcharger son fusil et se tenir prĂȘtâ peut-on lire dans le magazine Geo â, sans succĂšs. Pour Ă©viter le bannissement, le poĂšte dĂ©cide alors de fuir la France quâil dit tyrannisĂ©e par âle petitâ. Le 11 dĂ©cembre 1851 au soir, il monte Ă bord dâun train en direction de Bruxelles depuis la gare du Nord. DissimulĂ© sous une fausse identitĂ©, Jacques-Firmin Lanvin, ouvrier imprimeur, Hugo arrive en Belgique par QuiĂ©vrain. Le plat pays ne lui est pas Ă©tranger, puisquâil sây Ă©tait rendu pour la premiĂšre fois en vacances aux cĂŽtĂ©s de Juliette Drouet, en 1837. Victor Hugo sâinstalle pour 7 mois sur la Grand-Place de Bruxelles, dans la Maison du Moulin Ă vent puis la Maison du pigeon. Il gagne ensuite lâĂźle anglo-normande de Jersey pour les 10 prochaines annĂ©es. La cĂ©lĂ©britĂ© littĂ©raire française, dont la vĂ©ritable identitĂ© ne resta pas longtemps secrĂšte Ă Bruxelles, ne semble pas pouvoir se sĂ©parer de notre pays si facilement. âEn 1861, il est venu faire un voyage en Belgique. Il a rĂ©sidĂ© Ă Bruxelles et Ă Spa pendant quelques mois ; depuis lors il est venu passer chaque annĂ©e une partie de la belle saison dans le royaume, parcourant les champs de bataille ou les parties curieuses du pays. Il nâa jamais Ă©tĂ© mis obstacle Ă son sĂ©jour.â [Source document du 30 mai 1871, extrait du dossier conservĂ© aux Archives gĂ©nĂ©rales du Royaume] Câest lors de son retour en 1862 quâil peaufine Les MisĂ©rables. VĂ©ritable manifeste contre la pauvretĂ©, trop dĂ©licat pour lui de le publier en France. Câest ainsi quâil se tourne vers Lacroix & Verboeckhoven, une maison dâĂ©dition bruxelloise situĂ©e rue des Colonies. En mars 1871, le romancier français regagne une nouvelle fois le sol belge et sâinstalle place des Barricades n°4 Ă Bruxelles au moment de lâĂ©clatement de la guerre civile en France. Chez nous, ses prises de position provoquent le dĂ©sarroi de quelques citoyens qui rĂ©clament alors son expulsion. Hugo quitte la Belgique et dĂ©barque au Grand-DuchĂ© du Luxembourg le 1er juin 1871. Il dĂ©cĂ©dera Ă Paris le 22 mai 1885, ĂągĂ© de 83 ans. Romane Carmon, Le texte suivant est extrait dâun cahier central de prĂ©parĂ© par Victorine de Oliveira. Le numĂ©ro 137 de mars 2020 Ă©tait consacrĂ© Ă notre besoin dâadmirer âLâadmiration, câest ce qui vient briser notre rapport instrumental au monde. Quand nous la ressentons, nous oscillons entre Ă©mancipation et aliĂ©nation. Comment ne pas nous perdre en elle ?â En savoir plus sur Introduction Quand on sâappelle Victor Hugo et quâon a dĂ©jĂ une bonne partie de son Ćuvre et de sa carriĂšre politique derriĂšre soi, admirer nâa pas exactement la mĂȘme signification que pour le commun des mortels. Face Ă une Ćuvre dâart, une symphonie de Beethoven ou Ă la recherche du temps perdu de Proust, il y a fort Ă parier que nous nous sentions tous petits. DĂ©jĂ que le moindre rhume suffit Ă nous faire manquer lâheure du rĂ©veil, pas sĂ»r que nous survivions Ă une surditĂ© incurable ou Ă de sĂ©vĂšres difficultĂ©s respiratoires chroniques. Alors pour ce qui est de composer ou dâĂ©crire⊠Lâadmiration suppose a priori une hiĂ©rarchie, un piĂ©destal sur lequel repose lâobjet que lâon ne peut que regarder dâen bas. Hugo perçoit une autre dynamique loin de marquer la distance, lâobjet dâadmiration laisse entre- voir la possibilitĂ© dâun monde â âVous avez vu les Ă©toiles.â Une vision qui ne laisse pas indemne, avec un avant et un aprĂšs. La faute Ă ce pouvoir Ă©trange quâont les Ćuvres de nous transformer âToute Ćuvre dâart est une bouche de chaleur vitale ; lâhomme se sent dilatĂ©. La lueur de lâabsolu, si prodigieusement lointaine, rayonne Ă travers cette chose, lueur sacrĂ©e et presque formidable Ă force dâĂȘtre pure. Lâhomme sâabsorbe de plus en plus dans cette Ćuvre ; il la trouve belle ; il la sent sâintroduire en lui.â Dâautres parleront dâouvrir les portes de la perception, mais câest une autre histoire. Quâest-ce qui attire dans telle ou telle Ćuvre, chez tel ou tel auteur? âIls ont sur la face une pĂąle sueur de lumiĂšre. LâĂąme leur sort par les pores. Quelle Ăąme ? Dieuâ, rĂ©pond Hugo. Lâobjet dâadmiration est touchĂ© par la grĂące, dispose dâun accĂšs direct au divin. Mais loin de concevoir le gĂ©nie de façon aristocratique, comme quelque chose qui distingue diffĂ©rentes espĂšce dâĂȘtres humains mais aussi les Ă©poques, Hugo veut croire quâil montre la voie, tend la main, bĂątit un pont â façon dâaccorder opinions politiques, son rĂ©publicanisme, et pensĂ©e esthĂ©tique. Certes, dans un premier temps, ceux qui portent la marque du gĂ©nie âlaissent lâhumanitĂ© derriĂšre eux. Voir les autres horizons, approfondir cette aventure quâon appelle lâespace, faire une excursion dans lâinconnu, aller Ă la dĂ©couverte du cĂŽtĂ© de lâidĂ©al, il leur faut cela.â Mais, en dĂ©finitive, âils consolent et sourient. Ce sont des hommes.â Câest pourquoi lâĂ©change, la circulation sont possibles. âIl est impossible dâadmirer un chef-dâĆuvre sans Ă©prouver en mĂȘme temps une certaine estime de soiâ, sâenthousiasme Hugo. VoilĂ de quoi crĂ©er une vĂ©ritable âRĂ©publique des lettresâ. Lâennui, câest que âmalgrĂ© 89, malgrĂ© 1830, le peuple nâexiste pas encore en rhĂ©toriqueâ. Pourquoi ? La faute Ă une certaine critique, plus occupĂ©e Ă opĂ©rer des distinctions, Ă Ă©taler sa propre Ă©rudition, quâĂ transmettre un souffle, un Ă©lan. Hugo, modeste, se place plutĂŽt du cĂŽtĂ© du critique grand philosopheâ que du gĂ©nie â encore quâon ne peut sâempĂȘcher de noter que la liste des auteurs citĂ©s forme une lignĂ©e unie sous la plume de celui qui les loue. âLes enthousiasmes de lâart Ă©tudiĂ© ne sont donnĂ©s quâaux intelligences supĂ©rieures ; savoir admirer est une haute puissanceâ ; admiration rime donc potentiellement avec crĂ©ation. Il nây a plus quâà ⊠Lâauteur âJe veux ĂȘtre Chateaubriand ou rienâ câest en admirant que Victor Hugo est devenu le monument que lâon sait. NĂ© le 26 fĂ©vrier 1806 Ă Besançon dâun pĂšre gĂ©nĂ©ral dâEmpire et dâune mĂšre issue de la bourgeoisie, il nâa pas 10 ans quand il commence Ă Ă©crire des vers. En crĂ©ant avec ses frĂšres la revue Le Conservateur littĂ©raire, il affiche une premiĂšre prĂ©fĂ©rence royaliste. StratĂ©gie judicieuse la pension que lui verse le roi Louis XVIII aprĂšs la parution de son premier recueil de poĂšmes Odes, en 1821, lui permet de vivre de sa plume, de devenir Victor Hugo. Il brise les codes du théùtre classique en 1827 avec sa piĂšce Cromwell â finies les unitĂ©s de temps et de lieu -, puis dĂ©clenche une bataille aussi physique que littĂ©raire lors de la premiĂšre reprĂ©sentation dâHernani en 1830. Hauteville House Ă Guernesey le cabinet de travail de Hugo © DP Dans le mĂȘme temps, ses idĂ©es politiques Ă©voluent sâil soutient dans un premier temps la rĂ©pression des rĂ©voltes de 1848, il dĂ©sapprouve les lois anti-libertĂ© de la presse. Son Discours sur la misĂšre de 1849, alors quâil est dĂ©putĂ©, marque un tournant. De plus en plus ouvertement opposĂ© au pouvoir, il est finalement contraint Ă lâexil Ă partir de 1851, dâabord Ă Bruxelles, puis Ă Jersey et Ă Guernesey. LĂ -bas naissent Les ChĂątiments 1853, Les Contemplations 1856, La LĂ©gende des siĂšcles 1859, Les MisĂ©rables 1862, Les Travailleurs de la mer 1866. Le poĂšte y dĂ©ploie son gĂ©nie en mĂȘme temps que ses inquiĂ©tudes sociales et sa sympathie pour tous les Gavroche. Ce nâest quâĂ la chute du Second Empire, en 1870, quâil peut enfin rentrer en France. Devenu une figure populaire, il est accueilli triomphalement. Plusieurs centaines de milliers de personnes assistent Ă ses funĂ©railles en 1885, couronnant son statut dâĂ©crivain le plus admirĂ© de son vivant. Le texte Ăcrites lors de sa pĂ©riode dâexil Ă Guernesey mais parues aprĂšs sa mort, les Proses philosophiques sont des rĂ©flexions trĂšs libres, lyriques et poĂ©tiques sur les thĂšmes du goĂ»t, du beau et de lâart. Elles commencent par une cĂ©lĂ©bration de lâincommensurable beautĂ© du cosmos et se poursuivent par la description de lâĂ©lan crĂ©ateur humain. Hugo sây place en modeste spectateur et admirateur de merveilles qui le subjuguent et le dĂ©passent. Du gĂ©nie BOCH Anna, Femme lisant dans un massif de rhododendrons © WikimĂ©dia Commons Vous ĂȘtes Ă la campagne, il pleut, il faut tuer le temps, vous prenez un livre, le premier livre venu, vous vous mettez Ă lire ce livre comme vous liriez le journal officiel de la prĂ©fecture ou la feuille dâaffiches du chef-lieu, pensant Ă autre chose, distrait, un peu bĂąillant. Tout Ă coup vous vous sentez saisi, votre pensĂ©e semble ne plus ĂȘtre Ă vous, votre distraction sâest dissipĂ©e, une sorte dâabsorption, presque une sujĂ©tion, lui succĂšde, -vous nâĂȘtes plus maĂźtre de vous lever et de vous en aller. Quelquâun vous tient. Qui donc ? ce livre. Un livre est quelquâun. Ne vous y fiez pas. Un livre est un engrenage. Prenez garde Ă ces lignes noires sur du papier blanc ; ce sont des forces ; elles se combinent, se composent, se dĂ©composent, entrent lâune dans lâautre, pivotent lâune sur lâautre, se dĂ©vident, se nouent, sâaccouplent, travaillent. Telle ligne mord, telle ligne serre et presse, telle ligne entraĂźne, telle ligne subjugue. Les idĂ©es sont un rouage. Vous vous sentez tirĂ© par le livre. Il ne vous lĂąchera quâaprĂšs avoir donnĂ© une façon Ă votre esprit. Quelquefois les lecteurs sortent du livre tout Ă fait transformĂ©s. HomĂšre et la Bible font de ces miracles. Les plus fiers esprits, et les plus fins et les plus dĂ©licats, et les plus simples, et les plus grands, subissent ce charme. Shakespeare Ă©tait grisĂ© par Belleforest. La Fontaine allait partout criant Avez-vous lu Baruch ? Corneille, plus grand que Lucain, est fascinĂ© par Lucain. Dante est Ă©bloui de Virgile, moindre que lui. Entre tous, les grands livres sont irrĂ©sistibles. On peut ne pas se laisser faire par eux, on peut lire le Coran sans devenir musulman, on peut lire les VĂ©das sans devenir fakir, on peut lire Zadig sans devenir voltairien, mais on ne peut point ne pas les admirer. LĂ est leur force. Je te salue et je te combats, parce que tu es roi, disait un Grec Ă XerxĂšs. On admire prĂšs de soi. Lâadmiration des mĂ©diocres caractĂ©rise les envieux. Lâadmiration des grands poĂštes est le signe des grands critiques. Pour dĂ©couvrir au-delĂ de tous les horizons les hauteurs absolues, il faut ĂȘtre soi-mĂȘme sur une hauteur. Ce que nous disons lĂ est tellement vrai quâil est impossible dâadmirer un chef-dâĆuvre sans Ă©prouver en mĂȘme temps une certaine estime de soi. On se sait grĂ© de comprendre cela. Il y a dans lâadmiration on ne sait quoi de fortifiant qui dignifie et grandit lâintelligence. Lâenthousiasme est un cordial. Comprendre câest approcher. Ouvrir un beau livre, sây plaire, sây plonger, sây perdre, y croire, quelle fĂȘte ! On a toutes les surprises de lâinattendu dans le vrai. Des rĂ©vĂ©lations dâidĂ©al se succĂšdent coup sur coup. Mais quâest-ce donc que le beau ? Ne dĂ©finissez pas, ne discutez pas, ne raisonnez pas, ne coupez pas un fil en quatre, ne cherchez pas midi Ă quatorze heures, ne soyez pas votre propre ennemi Ă force dâhĂ©sitation, de raideur et de scrupule. Quoi de plus bĂȘte quâun pĂ©dant ? Allez devant vous, oubliez votre professeur de rhĂ©torique, dites-vous que Dieu est inĂ©puisable, dites-vous que lâart est illimitĂ©, dites-vous que la poĂ©sie ne tient dans aucun art poĂ©tique, pas plus que la mer dans aucun vase, cruche ou amphore ; soyez tout bonnement un honnĂȘte homme ayant la grandeur dâadmirer, laissez-vous prendre par le poĂšte, ne chicanez pas la coupe sur lâivresse, buvez, acceptez, sentez, comprenez, voyez, vivez, croissez ! LâĂ©clair de lâimmense, quelque chose qui resplendit, et qui est brusquement surhumain, voilĂ le gĂ©nie. De certains coups dâaile suprĂȘmes. Vous tenez le livre, vous lâavez sous les yeux, tout Ă coup il semble que la page se dĂ©chire du haut en bas comme le voile du temple. Par ce trou, lâinfini apparaĂźt. Une strophe suffit, un vers suffit, un mot suffit. Le sommet est atteint. Tout est dit. Lisez Ugolin, Françoise dans le tourbillon, Achille insultant Agamemnon, PromĂ©thĂ©e enchaĂźnĂ©, les Sept chefs devant ThĂšbes, Hamlet dans le cimetiĂšre, Job sur son fumier. Fermez le livre maintenant. Songez. Vous avez vu les Ă©toiles. Il y a de certains hommes mystĂ©rieux qui ne peuvent faire autrement que dâĂȘtre grands. Les bons badauds qui composent la grosse foule et le petit public et quâil faut se garder de confondre avec le peuple, leur en veulent presque Ă cause de cela. Les nains blĂąment le colosse. Sa grandeur, câest sa faute. Quâest-ce quâil a donc, celui-lĂ , Ă ĂȘtre grand ? Sâappeler Miguel de CervantĂšs, François Rabelais ou Pierre Corneille, ne pas ĂȘtre le premier grimaud venu, exister Ă part, jeter toute cette ombre et tenir toute cette place ; que tel mandarin, que tel sorbonniste, que tel doctrinaire fameux, grand personnage pourtant, ne vous vienne pas Ă la hanche, quâest-ce que cela veut dire ? Cela ne se fait pas. Câest insupportable. COURBET Gustave, Le dĂ©sespĂ©rĂ© autoportrait, 1844-45 © Collection privĂ©e Pourquoi ces hommes sont-ils grands en effet ? ils ne le savent point eux-mĂȘmes. Celui-lĂ le sait qui les a envoyĂ©s. Leur stature fait partie de leur fonction. Ils ont dans la prunelle quelque vision redoutable quâils emportent sous leur sourcil. Ils ont vu lâocĂ©an comme HomĂšre, le Caucase comme Eschyle, la douleur comme Job, Babylone comme JĂ©rĂ©mie, Rome comme JuvĂ©nal, lâenfer comme Dante, le paradis comme Milton, lâhomme comme Shakespeare, Pan comme LucrĂšce, JĂ©hovah comme IsaĂŻe. Ils ont, ivres de rĂȘve et dâintuition, dans leur marche presque inconsciente sur les eaux de lâabĂźme, traversĂ© le rayon Ă©trange de lâidĂ©al, et ils en sont Ă jamais pĂ©nĂ©trĂ©s. Cette lueur se dĂ©gage de leurs visages, sombres pourtant, comme tout ce qui est plein dâinconnu. Ils ont sur la face une pĂąle sueur de lumiĂšre. LâĂąme leur sort par les pores. Quelle Ăąme ? Dieu. Remplis quâils sont de ce jour divin, par moments missionnaires de civilisation, prophĂštes de progrĂšs, ils entrâouvrent leur cĆur, et ils rĂ©pandent une vaste clartĂ© humaine ; cette clartĂ© est de la parole, car le Verbe, câest le jour. â ĂŽ Dieu, criait JĂ©rĂŽme dans le dĂ©sert, je vous Ă©coute autant des yeux que des oreilles â Un enseignement, un conseil, un point dâappui moral, une espĂ©rance, voilĂ leur don ; puis leur flanc bĂ©ant et saignant se referme, cette plaie qui sâest faite bouche et qui a parlĂ© rapproche ses lĂšvres et rentre dans le silence, et ce qui sâouvre maintenant, câest leur aile. Plus de pitiĂ©, plus de larmes. Ăblouissement. Ils laissent lâhumanitĂ© derriĂšre eux. Voir les autres horizons, approfondir cette aventure quâon appelle lâespace, faire une excursion dans lâinconnu, aller Ă la dĂ©couverte du cĂŽtĂ© de lâidĂ©al, il leur faut cela. Ils partent. Que leur fait lâazur ? que leur importe les tĂ©nĂšbres ? Ils sâen vont, ils tournent aux choses terrestres leur dos formidable, ils dĂ©veloppent brusquement leur envergure dĂ©mesurĂ©e, ils deviennent on ne sait quels monstres, spectres peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre archanges, et ils sâenfoncent dans lâinfini terrible, avec un immense bruit dâaigles envolĂ©s. Puis tout Ă coup ils reparaissent. Les voici. Ils consolent et sourient. Ce sont des hommes. Ces apparitions et ces disparitions, ces dĂ©parts et ces retours, ces occultations brusques et ces subites prĂ©sences Ă©blouissantes, le lecteur, absorbĂ©, illuminĂ© et aveuglĂ© par le livre, les sent plus quâil ne les voit. Il est au pouvoir dâun poĂšte, possession troublante, frĂ©quentation presque magique et dĂ©moniaque, il a vaguement conscience du va-et-vient Ă©norme de ce gĂ©nie ; il le sent tantĂŽt loin, tantĂŽt prĂšs de lui ; et ces alternatives, qui font successivement pour lui lecteur lâobscuritĂ© et la lumiĂšre, se marquent dans son esprit par ces mots â Je ne comprends plus. â Je comprends. Quand Dante, quittant lâenfer, entre et monte dans le paradis, le refroidissement quâĂ©prouvent les lecteurs nâest pas autre chose que lâaugmentation de distance entre Dante et eux. Câest la comĂšte qui sâĂ©loigne. La chaleur diminue. Dante est plus haut, plus avant, plus au fond, plus loin de lâhomme, plus prĂšs de lâabsolu. Schlegel un jour, considĂ©rant tous ces gĂ©nies, a posĂ© cette question qui chez lui nâest quâun Ă©lan dâenthousiasme et qui, chez Fourier ou Saint-Simon, serait le cri dâun systĂšme â Sont-ce vraiment des hommes, ces hommes-ci ? Oui, ce sont des hommes ; câest leur misĂšre et câest leur gloire. Ils ont faim et soif ; ils sont sujets du sang, du climat, du tempĂ©rament, de la fiĂšvre, de la femme, de la souffrance, du plaisir ; ils ont, comme tous les hommes, des penchants, des pentes, des entraĂźnements, des chutes, des assouvissements, des passions, des piĂšges, ils ont, comme tous les hommes, la chair avec ses maladies, et avec ses attraits, qui sont aussi des maladies. Ils ont leur bĂȘte. La matiĂšre pĂšse sur eux, et eux aussi ils gravitent. Pendant que leur esprit tourne autour de lâabsolu, leur corps tourne autour du besoin, de lâappĂ©tit, de la faute. La chair a ses volontĂ©s, ses instincts, ses convoitises, ses prĂ©tentions au bien-ĂȘtre ; câest une sorte de personne infĂ©rieure qui tire de son cĂŽtĂ©, fait ses affaires dans son coin, a son moi Ă part dans la maison, pourvoit Ă ses caprices ou Ă ses nĂ©cessitĂ©s, parfois comme une voleuse, et Ă la grande confusion de lâesprit auquel elle dĂ©robe ce qui est Ă lui. LâĂąme de Corneille fait Cinna ; la bĂȘte de Corneille dĂ©die Cinna au financier Montaron. PRETI Mattia, HomĂšre aveugle dĂ©tail, ca. 1635 © Academia Venezia Chez certains, sans rien leur ĂŽter de leur grandeur, lâhumanitĂ© sâaffirme par lâinfirmitĂ©. Le rayon archangĂ©lesque est dans le cerveau ; la nuit brutale est dans la prunelle. HomĂšre est aveugle ; Milton est aveugle. Camoes borgne semble une insulte. Beethoven sourd est une ironie. Ăsope bossu a lâair dâun Voltaire dont Dieu a fait lâesprit en laissant FrĂ©ron faire le corps. LâinfirmitĂ© ou la difformitĂ© infligĂ©e Ă ces bien-aimĂ©s augustes de la pensĂ©e fait lâeffet dâun contrepoids sinistre, dâune compensation peu avouable lĂ -haut, dâune concession faite aux jalousies dont il semble que le crĂ©ateur doit avoir honte. Câest peut-ĂȘtre avec on ne sait quel triomphe envieux que, du fond de ces tĂ©nĂšbres, la matiĂšre regarde TyrtĂ©e et Byron planer comme gĂ©nies et boiter comme hommes. Ces infirmitĂ©s vĂ©nĂ©rables nâinspirent aucun effroi Ă ceux que lâenthousiasme fait pensifs. Loin de lĂ . Elles semblent un signe dâĂ©lection. Ătre foudroyĂ©, câest ĂȘtre prouvĂ© titan. Câest dĂ©jĂ quelque chose de partager avec ceux dâen haut le privilĂšge dâun coup de tonnerre. Ă ce point de vue, les catastrophes ne sont plus catastrophes, les souffrances ne sont plus souffrances, les misĂšres ne sont plus misĂšres, les diminutions sont augmentations. Ătre infirme ainsi que les forts, cela tenterait volontiers. Je me rappelle quâen 1828, tout jeune, au temps oĂč âąâąâą me faisait lâeffet dâun ami, jâavais des taches obscures dans les yeux. Ces taches allaient sâĂ©largissant et noircissant. Elles semblaient envahir lentement la rĂ©tine. Un soir,chez Charles Nodier, je contai mes taches noires, que jâappelais mes papillons, Ă âąâąâą, qui, Ă©tudiant en mĂ©decine et fils dâun pharmacien, Ă©tait censĂ© sây connaĂźtre et sây connaissait en effet. Il regarda mes yeux, et me dit doucement â Câest une amaurose commençante. Le nerf optique se paralyse. Dans quelques annĂ©es la cĂ©citĂ© sera complĂšte. Une pensĂ©e illumina subitement mon esprit. â Eh bien, lui rĂ©pondis-je en souriant, ce sera toujours ça. Et voilĂ que je me mis Ă espĂ©rer que je serais peut-ĂȘtre un jour aveugle comme HomĂšre et comme Milton. La jeunesse ne doute de rien. Le goĂ»t [ ⊠] Certaines Ćuvres sont ce quâon pourrait appeler les excĂšs du beau. Elles font plus quâĂ©clairer ; elles foudroient. Ătant donnĂ©es les paresses et les lĂąchetĂ©s de lâesprit humain, cette foudre est bonne. Allons au fait, parquer la pensĂ©e de lâhomme dans ce quâon appelle âun grand siĂšcleâ est puĂ©ril. La poĂ©sie suivant la cour a fait son temps. LâhumanitĂ© ne peut se contenter Ă jamais dâune tragĂ©die qui plafonne au-dessus de la tĂȘte-soleil de Louis XIV. Il est inouĂŻ de penser que tout notre enseignement universitaire en est encore lĂ et quâĂ la fin du dix-neuviĂšme siĂšcle les pĂ©dants et les cuistres tiennent bon sur toute la ligne. Lâenseignement littĂ©raire est tout monarchique. MalgrĂ© 89, malgrĂ© 1830, le peuple nâexiste pas encore en rhĂ©torique. Pourtant, ĂŽ ignorance des professeurs officiels ! la littĂ©rature antique proteste contre la littĂ©rature classique et, pour pratiquer le grand art libre, les anciens sont dâaccord avec les nouveaux. Un jour BĂ©ranger, ce Français coupĂ© de Gaulois, ne sachant ni le latin ni le grec, le plus littĂ©raire des illettrĂ©s, vit un HomĂšre sur la table de Jouffroy. CâĂ©tait au plus fort du mouvement de 1830, mouvement compliquĂ© de rĂ©sistance. BĂ©ranger, rencontrant HomĂšre, fut curieux de faire cette connaissance. Un chansonnier, qui voit passer un colosse, nâest pas fĂąchĂ© de lui taper sur lâĂ©paule. âLisez-moi donc un peu de ça, dit BĂ©ranger Ă Jouffroy. Jouffroy contait quâalors il ouvrit lâIliade au hasard, et se mit Ă lire Ă voix haute, traduisant littĂ©ralement du grec en français. BĂ©ranger Ă©coutait. Tout Ă coup, il interrompit Jouffroy et sâĂ©cria âMais il nây a pas ça ! â Si fait, rĂ©pondit Jouffroy. Je traduis Ă la lettre. â Jouffroy Ă©tait prĂ©cisĂ©ment tombĂ© sur ces insultes dâAchille Ă Agamemnon que nous citions tout Ă lâheure. Quand le passage fut fini, BĂ©ranger, avec son sourire Ă deux tranchants dont la moquerie restait indĂ©cise, dit HomĂšre est romantique. BĂ©ranger croyait faire une niche ; une niche Ă tout le monde, et particuliĂšrement Ă HomĂšre. Il disait une vĂ©ritĂ©. Romantique, traduisez primitif Ce que BĂ©ranger disait dâHomĂšre, on peut le dire dâĂzĂ©chiel, on peut le dire de Plaute, onpeut le dire de Tertullien, on peut le dire du Romancero, on peut le dire des Niebelungen. On a vu quâun professeur de lâĂ©cole normale le disait de JuvĂ©nal. Ajoutons ceci un gĂ©nie primitif, ce nâest pas nĂ©cessairement un esprit de ce que nous appelons Ă tort les temps primitifs. Câest un esprit qui, en quelque siĂšcle que ce soit et Ă quelque civilisation quâil appartienne, jaillit directement de la nature et de lâhumanitĂ©. Quiconque boit Ă la grande source est primitif ; quiconque vous y fait boire est primitif. Quiconque a lâĂąme et la donne est primitif. Beaumarchais est primitif autant quâAristophane ; Diderot est primitif autant quâHĂ©siode. Figaro et le Neveu de Rameau sortent tout de suite et sans transition du vaste fond humain. Il nây a lĂ aucun reflet ; ce sont des crĂ©ations immĂ©diates ; câest de la vie prise dans la vie. Cet aspect de la nature quâon nomme sociĂ©tĂ© inspire tout aussi bien les crĂ©ations primitives que cet autre aspect de la nature appelĂ© barbarie. Don Quichotte est aussi primitif quâAjax. Lâun dĂ©fie les dieux, lâautre les moulins ; tous deux sont hommes. Nature, humanitĂ©, voilĂ les eaux vives. LâĂ©poque nây fait rien. On peut ĂȘtre un esprit primitif Ă une Ă©poque secondaire comme le seiziĂšme siĂšcle, tĂ©moin Rabelais, et Ă une Ă©poque tertiaire comme le dix-septiĂšme, tĂ©moin MoliĂšre. Primitif a la mĂȘme portĂ©e quâoriginal avec une nuance de plus. Le poĂšte primitif, en communication intime avec lâhomme et la nature, ne relĂšve de personne. Ă quoi bon copier des livres, Ă quoi bon copier des poĂštes, Ă quoi bon copier des choses faites, quand on est riche de lâĂ©norme richesse du possible, quand tout lâimaginable vous est livrĂ©, quand on a devant soi et Ă soi tout le sombre chaos des types, et quâon se sent dans la poitrine la voix qui peut crier âFiat Luxâ. Le poĂšte primitif a des devanciers, mais pas de guides. Ne vous laissez pas prendre aux illusions dâoptique, Virgile nâest point le guide de Dante ; câest Dante qui entraĂźne Virgile ; et oĂč le mĂšne-t-il ? chez Satan. Câest Ă peine si Virgile tout seul est capable dâaller chez Pluton. Le poĂšte original est distinct du poĂšte primitif, en ce quâil peut avoir, lui, des guides et des modĂšles. Le poĂšte original imite quelquefois ; le poĂšte primitif jamais. La Fontaine est original, CervantĂšs est primitif. Ă lâoriginalitĂ©, de certaines qualitĂ©s de style suffisent ; câest lâidĂ©e-mĂšre qui fait lâĂ©crivain primitif. Hamilton est original, ApulĂ©e est primitif. Tous les esprits primitifs sont originaux ; les esprits originaux ne sont pas tous primitifs. Selon lâoccasion, le mĂȘme poĂšte peut ĂȘtre tantĂŽt original, tantĂŽt primitif. MoliĂšre, primitif dans Le Misanthrope, nâest quâoriginal dans Amphitryon. LâoriginalitĂ© a dâailleurs, elle aussi, tous les droits ; mĂȘme le droit Ă une certaine politesse, mĂȘme le droit Ă une certaine faussetĂ©. Marivaux existe. Il ne sâagit que de sâentendre, et nous nâexcluons, certes, aucun possible. La draperie est un goĂ»t, le chiffon en est un autre. Ce dernier goĂ»t, le chiffon, peut-il faire partie de lâart ? Non, dans les vaudevilles de Scribe. Oui, dans les figurines de Clodion. OĂč la langue manque, Boileau a raison, tout manque. Or la langue de lâart, que Scribe ignore, Clodion la sait. Le bonnet de Mimi Rosette peut avoir du style. Quand Coustou chiffonne une faille sur la tĂȘte dâun sphinx qui est une marquise, ce taffetas de marbre fait partie de la chimĂšre et vaut la tunique aux mille plis de la CythĂ©rĂ©e AnadyomĂšne. En vĂ©ritĂ©, il nây a point de rĂšgles. Rien Ă©tant donnĂ©, pĂ©trissez-y lâart, et voici une ode dâHorace ou dâAnacrĂ©on. Une mode de la rue Vivienne, touchĂ©e par Coysevox ou Pradier, devient Ă©ternelle. Une maniĂšre dâĂ©crire quâon a tout seul, un certain pli magistralement imprimĂ© Ă tout le style, un air de fĂȘte de la muse, une façon Ă soi de toucher et de manier une idĂ©e, il nâen faut pas plus pour faire des artistes souverains ; tĂ©moin Horace. Cependant, insistons-y, le poĂšte qui voit dans lâart plus que lâart, le poĂšte qui dans la poĂ©sie voit lâhomme, le poĂšte qui civilise Ă bon escient, le poĂšte, maĂźtre parce quâil est serviteur, câest celui-lĂ que nous saluons. Quâun Goethe est petit Ă cĂŽtĂ© dâun Dante ! En toute chose, nous prĂ©fĂ©rons celui qui peut sâĂ©crier jâai voulu ! Ceci soit dit sans mĂ©connaĂźtre, certes, la toute-puissance virtuelle et intrinsĂšque de la beautĂ©, mĂȘme indiffĂ©rente. Si dâaussi chĂ©tifs dĂ©tails valaient la peine dâĂȘtre notĂ©s, ce serait peut-ĂȘtre ici le lieu de rappeler, chemin faisant, les aberrations et les puĂ©rilitĂ©s malsaines dâune Ă©cole de critique contemporaine, morte aujourdâhui, et dont il ne reste plus un seul reprĂ©sentant, le propre du faux Ă©tant de ne se point recruter. Ce fut la mode dans cette Ă©cole, qui a fleuri un moment, dâattaquer ce que, dans un argot bizarre, elle nommait la formeâ. La forme forma, la beautĂ©. Quel Ă©trange mot dâordre ! Plus tard, ce fut lâattaque Ă la grandeur. Faire grandâ devint un dĂ©faut. Quand le beau est un tort, câest le signe des Ă©poques bourgeoises ; quand le grand est un crime, câest le signe des rĂšgnes petits. La logomachie Ă©tait curieuse. Cette Ă©cole avait rendu ce dĂ©cret la forme est incompatible avec le fond. Le style exclut la pensĂ©e. Lâimage tue lâidĂ©e. Le beau est stĂ©rile. Lâorgane de la conception et de la fĂ©condation lui manque. VĂ©nus ne peut faire dâenfants. Or câest le contraire qui est vrai. La beautĂ©, Ă©tant lâharmonie, est par cela mĂȘme la fĂ©conditĂ©. La forme et le fond sont aussi indivisibles que la chair et le sang. Le sang, câest de la chair coulante ; la forme, câest le fond fluide entrant dans tous les mots et les empourprant. Pas de fond, pas de forme. La forme est la rĂ©sultante. Sâil nây a point de fond, de quoi la forme est-elle la forme ? Nous objectera-t-on que nous avons dit tout Ă lâheure Rien Ă©tant donnĂ©, etc. ; mais Rien nâavait lĂ quâun sens relatif, ânescio quid meditans nugarumâ [âJe ne sais quelles bagatellesâ, tirĂ© de Satire dâHorace, 65-8 ACN], et une bagatelle dâHorace, câest quelquefois le fond mĂȘme de la vie humaine. Le beau est lâĂ©panouissement du vrai la splendeur, a dit Platon. Fouillez les Ă©tymologies, arrivez Ă la racine des vocables, image et idĂ©e sont le mĂȘme mot. Il y a entre ce que vous nommez forme et ce que vous nommez fond identitĂ© absolue, lâune Ă©tant lâextĂ©rieur de lâautre, la forme Ă©tant le fond, rendu visible. Si cette Ă©cole du passĂ© avait raison, si lâimage excluait lâidĂ©e, HomĂšre, Eschyle, Dante, Shakespeare, qui ne parlent que par images, seraient vides. La Bible qui, comme Bossuet le constate, est toute figures, serait creuse. Ces chefs-dâĆuvre de lâesprit humain seraient de la formeâ. De pensĂ©e point. VoilĂ oĂč mĂšne un faux point de dĂ©part. Cette Ă©cole de critique, un instant en crĂ©dit, a disparu et est maintenant oubliĂ©e. Câest comme cas singulier que nous la mentionnons ici dans notre clinique ; car, comme lâart lui-mĂȘme, la critique a ses maladies, et la philosophie de lâart est tenue de les enregistrer. Cela est mort, peu importe ; de certains spĂ©cimens veulent ĂȘtre conservĂ©s. Ce qui nâest pas nĂ© viable a droit au bocal des fĆtus. Nous y mettons cette critique. REPIN Ilia, Quelle libertĂ© ! 1903 © MusĂ©e russe, Saint-Petersbourg De loi en loi, de dĂ©duction en dĂ©duction, nous arrivons Ă ceci carte blanche, coudĂ©es franches, cĂąbles coupĂ©s, portes toutes grandes ouvertes, allez. Quâest-ce que lâocĂ©an? Câest une permission. Permission redoutable, sans nul doute. Permission de se noyer, mais permission de dĂ©couvrir un monde. Aucun rhumb de vent [En navigation, le rhumb est la quantitĂ© angulaire comprise entre deux des trente-deux aires de vent de la boussole], aucune puissance, aucune souverainetĂ©, aucune latitude, aucune aventure, aucune rĂ©ussite, ne sont refusĂ©s au gĂ©nie. La mer donne permission Ă la nage, Ă la rame, Ă la voile, Ă la vapeur, Ă lâaube, Ă lâhĂ©lice. LâatmosphĂšre donne permission aux ailes et aux aĂ©roscaphes, aux condors et aux hippogriffes. Le gĂ©nie, câest lâomnifacultĂ©. En poĂ©sie, il procĂšde par une continuitĂ© prodigieuse de lâIliade, sans quâon puisse imaginer oĂč sâarrĂȘtera cette sĂ©rie dâHomĂšre dont Rabelais et Shakespeare font partie. En architecture, tantĂŽt il lui plaĂźt de sublimer la cabane, et il fait le temple; tantĂŽt il lui plaĂźt dâhumaniser la montagne, et, sâil la veut simple, il fait la pyramide, et, sâil la veut touffue, il fait la cathĂ©drale ; aussi riche avec la ligne droite quâavec les mille angles brisĂ©s de la forĂȘt, Ă©galement maĂźtre de la symĂ©trie Ă laquelle il ajoute lâimmensitĂ©, et du chaos auquel il impose lâĂ©quilibre. Quant au mystĂšre, il en dispose. Ă un certain moment sacrĂ© de lâannĂ©e, prolongez vers le zĂ©nith la ligne de KhĂ©ops, et vous arriverez, stupĂ©fait, Ă lâĂ©toile du Dragon ; regardez les flĂšches de Chartres, dâAngers, de Strasbourg, les portails dâAmiens et de Reims, la nef de Cologne, et vous sentirez lâabĂźme. Sa science est prodigieuse. Les initiĂ©s seuls, et les forts,savent quelle algĂšbre il y a sous la musique ; il sait tout, et ce quâil ne sait pas, il le devine, et ce quâil ne devine pas, il lâinvente, et ce quâil nâinvente pas, il le crĂ©e ; et il invente vrai, et il crĂ©e viable. Il possĂšde Ă fond la mathĂ©matique de lâart ; il est Ă lâaise dans des confusions dâastres et de ciels ; le nombre nâa rien Ă lui enseigner; il en extrait, avec la mĂȘme facilitĂ©, le binĂŽme pour le calcul et le rythme pour lâimagination ; il a, dans sa boĂźte dâoutils, employant le fer oĂč les autres nâont que le plomb, et lâacier oĂč les autres nâont que le fer, et le diamant oĂč les autres nâont que lâacier, et lâĂ©toile oĂč les autres nâont que le diamant, il a la grande correction, la grande rĂ©gularitĂ©, la grande syntaxe, la grande mĂ©thode, et nul comme lui nâa la maniĂšre de sâen servir. Et il complique toute cette sagesse dâon ne sait quelle folie divine, et câest lĂ le gĂ©nie. Câest une chose profonde que la critique, et dĂ©fendue aux mĂ©diocres. Le grand critique est un grand philosophe ; les enthousiasmes de lâart Ă©tudiĂ© ne sont donnĂ©s quâaux intelligences supĂ©rieures ; savoir admirer est une haute puissance. [ ⊠] Lâantagonisme supposĂ© du goĂ»t et du gĂ©nie est une des niaiseries de lâĂ©cole. Pas dâinvention plus grotesque que cette prise aux cheveux de la muse par la muse. Uranie et Galliope en viennent aux coiffes. Non, rien de tel dans lâart. Tout y harmonie, mĂȘme la dissonance. Le goĂ»t, comme le gĂ©nie, est essentiellement divin. Le gĂ©nie, câest la conquĂȘte ; le goĂ»t, câest le choix. La griffe toute-puissante commence par tout prendre, puis lâĆil flamboyant fait le triage. Ce triage dans la proie, câest le goĂ»t. Chaque gĂ©nie le fait Ă sa guise. Les Ă©piques mĂȘmes diffĂšrent entre eux dâhumeur. Le triage dâHomĂšre nâest pas le triage de Rabelais. Quelquefois, ce que lâun rejette, lâautre le garde. Ils savent tous les deux ce quâils font, mais ils ne peuvent jurer de rien ni lâun ni lâautre, lâidĂ©al, qui est lâinfini, est au-dessus dâeux, et il pourra fort bien arriver un jour, si lâĂ©clair hĂ©roĂŻque et la foudre cynique se mĂȘlent, quâun mot de Rabelais devienne un mot dâHomĂšre, et alors ce sera Cambronne qui le prononcera. Lâart a, comme la flamme, une puissance de sublimation. Jetez dans lâart, comme dans la flamme, les poisons, les ordures, les rouilles, les oxydes, lâarsenic, le vert-de-gris, faites passer ces incandescences Ă travers le prisme ou Ă travers la poĂ©sie, vous aurez des spectres splendides, et le laid deviendra le grand, et le mal deviendra le beau. Chose surprenante et ravissante Ă affirmer, le mal entrera dans le beau et sây transfigurera. Car le beau nâest autre chose que la sainte lumiĂšre du bon. Dans le goĂ»t, comme dans le gĂ©nie, il y a de lâinfini. Le goĂ»t, ce pourquoi mystĂ©rieux, cette raison de chaque mot employĂ©, cette prĂ©fĂ©rence obscure et souveraine qui, au fond du cerveau, rend des lois propres Ă chaque esprit, cette seconde conscience donnĂ©e aux seuls poĂštes, et aussi lumineuse que lâautre, cette intuition impĂ©rieuse de la limite invisible, fait partie, comme lâinspiration mĂȘme, de la redoutable puissance inconnue. Tous les souffles viennent de la bouche unique. Le gĂ©nie et le goĂ»t ont une unitĂ© qui est lâabsolu, et une rencontre qui est la beautĂ©. UtilitĂ© du Beau ANTO-CARTE, Le Jardinier 1941, photo Jacques Vandenberg © SABAM Belgium 2022 Un homme a, par don de nature ou par dĂ©veloppement dâĂ©ducation, le sentiment du Beau. Supposez-le en prĂ©sence dâun chef-dâĆuvre, mĂȘme dâun de ces chefs-dâĆuvre qui semblent inutiles, câest-a-dire qui sont créés sans souci direct de lâhumain, du juste et de lâhonnĂȘte, dĂ©gagĂ©s de toute prĂ©occupation de conscience et faits sans autre but que le Beau ; câest une statue, câest un tableau, câest une symphonie, câest un Ă©difice, câest un poĂšme. En apparence, cela ne sert Ă rien, Ă quoi bon une VĂ©nus ? Ă quoi bon une flĂšche dâĂ©glise ? Ă quoi bon une ode sur le printemps ou lâaurore, etc., avec ses rimes ? Mettez cet homme devant cette Ćuvre. Que se passe-t-il en lui ? le Beau est lĂ . Lâhomme regarde, lâhomme Ă©coute ; peu Ă peu, il fait plus que regarder, il voit ; il fait plus quâĂ©couter, il entend. Le mystĂšre de lâart commence Ă opĂ©rer ; toute Ćuvre dâart est une bouche de chaleur vitale ; lâhomme se sent dilatĂ©. La lueur de lâabsolu, si prodigieusement lointaine, rayonne Ă travers cette chose, lueur sacrĂ©e et presque formidable Ă force dâĂȘtre pure. Lâhomme sâabsorbe de plus en plus dans cette Ćuvre ; il la trouve belle ; il la sent sâintroduire en lui. Le Beau est vrai de droit. Lâhomme, soumis Ă lâaction du chef-dâĆuvre, palpite, et son cĆur ressemble Ă lâoiseau qui, sous la fascination, augmente son battement dâailes. Qui dit belle Ćuvre dit Ćuvre profonde ; il a le vertige de cette merveille entrâouverte. Les doubles-fonds du Beau sont innombrables. Sans que cet homme, soumis Ă lâĂ©preuve de lâadmiration, sâen rende bien clairement compte peut-ĂȘtre, cette religion qui sort de toute perfection, la quantitĂ© de rĂ©vĂ©lation qui est dans le Beau, lâĂ©ternel affirmĂ© par lâimmortel, la constatation ravissante du triomphe de lâhomme dans lâart, le magnifique spectacle, en face de la crĂ©ation divine, dâune crĂ©ation humaine, Ă©mulation inouĂŻe avec la nature, lâaudace quâa cette chose dâĂȘtre un chef-dâĆuvre Ă cĂŽtĂ© du soleil, lâineffable fusion de tous les Ă©lĂ©ments de lâart, la ligne, le son, la couleur, lâidĂ©e, en une sorte de rythme sacrĂ©, dâaccord avec le mystĂšre musical du ciel, tous ces phĂ©nomĂšnes le pressent obscurĂ©ment et accomplissent, Ă son insu mĂȘme, on ne sait quelle perturbation en lui. Perturbation fĂ©conde. Une inexprimable pĂ©nĂ©tration du Beau lui entre par tous les pores. Il creuse et sonde de plus en plus lâĆuvre Ă©tudiĂ©e ; il se dĂ©clare que câest une victoire pour une intelligence de comprendre cela, et que tous peut-ĂȘtre nâen sont pas capables ni dignes; il y a de lâexception dans lâadmiration, une espĂšce de fiertĂ© amĂ©liorante le gagne ; il se sent Ă©lu, il lui semble que ce poĂšme lâa choisi. Il est possĂ©dĂ© du chef-dâĆuvre. Par degrĂ©s, lentement, Ă mesure quâil contemple ou Ă mesure quâil lit, dâĂ©chelon en Ă©chelon, montant toujours, il assiste, stupĂ©fait, Ă sa croissance intĂ©rieure ; il voit, il comprend, il accepte, il songe, il pense, il sâattendrit, il veut ; les sept marches de lâinitiation ; les sept noces de la lyre auguste qui est nous-mĂȘmes. Il ferme les yeux pour mieux voir, il mĂ©dite ce quâil a contemplĂ©, il sâabsorbe dans lâintuition, et tout Ă coup, net, clair, incontestable, triomphant, sans trouble, sans brume, sans nuage, au fond de son cerveau, chambre noire, lâĂ©blouissant spectre solaire de lâidĂ©al apparaĂźt ; et voilĂ cet homme qui a un autre cĆur. [ ⊠] [INFOS QUALITE] statut validĂ© mode dâĂ©dition partage, correction et iconographie sources Philosophie Magazine n°137 ; contributeur Patrick Thonart crĂ©dits illustrations en-tĂȘte, Victor Hugo par Edmond Bacot 1862 © WIKIMEDIA COMMONS Victor Hugo dans Textes⊠Lire encore⊠THONART Il Ă©tait une fois une MĂ©chante Reine⊠malgrĂ© elle 2011CHAISSAC, Gaston 1910-1964LAWRENCE textesKIPLING textesBREL Les Flamingants 1977FOIX textesVIENNE LâĂ©quilibre nouvelle, 2017RAHIR La BeautĂ© sĂ»re de nos vies 2020DE LUCA Montedidio GALLIMARD, Folio, 2002VALERY textesLABE Baise mâencor Sonnets, 1555
CetteannĂ©e, câest le 135 Ăšme anniversaire des funĂ©railles nationales de Victor Hugo. Lâoccasion de revenir sur les engagements qui ont marquĂ© la vie de cet Ă©crivain connu et reconnu Ă travers le monde. En effet, ses Ćuvres ont construit et exportĂ© sa rĂ©putation avec, en substance, la notion dâengagement.
Le Deal du moment Cartes PokĂ©mon Japon le display ... Voir le deal Les Mahteux ÂŻ`._.[ La LittĂ©rature ]._.ÂŽÂŻ Pour ceux qui aiment la poĂ©sie AuteurMessageZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Ven 24 Oct - 830 MORS Je vis cette faucheuse. Elle Ă©tait dans son champ. Elle allait Ă grands pas moissonnant et fauchant, Noir squelette laissant passer le crĂ©puscule. Dans l'ombre oĂč l'on dirait que tout tremble et recule, L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx. Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux Tombaient; elle changeait en dĂ©sert Babylone, Le trĂŽne en l'Ă©chafaud et l'Ă©chafaud en trĂŽne, Les roses en fumier, les enfants en oiseaux, L'or en cendre, et les yeux des mĂšres en ruisseaux. Et les femmes criaient - Rends-nous ce petit ĂȘtre. Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naĂźtre? - Ce n'Ă©tait qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas; Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats; Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre; Les peuples Ă©perdus semblaient sous la faulx sombre Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit; Tout Ă©tait sous ses pieds deuil, Ă©pouvante et nuit. DerriĂšre elle, le front baignĂ© de douces flammes, Un ange souriant portait la gerbe d'Ăąmes. Mars Hugo, Les Contemplations 1856 ZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Ven 24 Oct - 832 Commentaire littĂ©raire I- Qui voit ? Qui est vu ?DiffĂ©rents personnages les hommes pas de portait prĂ©cis, pas de nom, dĂ©signe les hommes en gĂ©nĂ©ral, la faucheuse allĂ©gorie de la mort, dĂ©signĂ©e par elle », squelette », faux » ,elle-mĂȘme dĂ©signĂ©e par lueur », rayon lumineux faible, le poĂšte je », inspirĂ© par la Muse, a le sentiment dâavoir une mission, il a un don de poĂšte voyant, il est un peu en retrait, il voit la mort agir et le lecteur est invitĂ© Ă le rejoindre, fĂ©e, peuples, triomphateurs gĂ©nĂ©raux, gens qui sont plus puissants, ange, ensemble de lâhumanitĂ© reprĂ©sentĂ©e, la mort touche tout le monde, pas de lieu dĂ©crit. La mort est toute puissante, câest elle qui a le dernier Quâest-ce qui fait la puissance de la mort ?Elle agit en tout lieu et concerne tout le monde, toute Ă©poque Babylone, fait rĂ©fĂ©rence Ă dâanciennes civilisations, occupation de lâespace en bas, en haut », elle domine, marque le territoire, il y a des antithĂšses rosefumier, orcendres. On passe dâun extrĂȘme a lâautre, mĂ©tamorphose brutal des situations, illusion que peut avoir lâhomme dâĂȘtre tout puissant, riche => inversement des rĂŽles, pouvoir inexorable. La mort ne peut ĂȘtre arrĂȘtĂ©e, domination de la Sort de lâhumanitĂ©On ne peut lutter contre cette mort, elle touche tout le monde, le poĂšte ne peut agir contre cette Champs lexical de la mortPeur, nuit, mort, angoisseâŠ, Ă©vocation de la peur doigts osseux, noirs grabats »On peut Ă©galement travailler sur les sonoritĂ©s et les sensations de ce poĂšme, notamment lorsque Hugo parle de la faucheuse, les sonoritĂ©s entraĂźnent le lecteur dans une atmosphĂšre pesante et angoissanteâŠConclusion De ce poĂšme, câest tout dâabord la vision effroyable que nous retiendrons, lâutilisation particuliĂšrement efficace des procĂ©dĂ©s poĂ©tiques, linguistiques, auditifs. On observe cependant un contraste avec lâange, il nây a pas de transition pour dĂ©signer lâange Ă part le terme derriĂšre elle », il reprĂ©sente une vison de paix, dâapaisement, sourire, vision plutĂŽt positive. Toutefois, derriĂšre le pessimisme de ce texte, que la brĂšve conclusion ne parvient pas a dissiper, il est important de souligner que Victor Hugo, est bien au bout de son long combat personnel de la mort de sa fille, le moi » sâefface pour laisser place Ă une prĂ©occupation plus large, et Hugo redevient le mage et le chantre de lâhumanitĂ©. Hugo Ă©tait persuadĂ© dâune vie aprĂšs la mort. ZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Ven 24 Oct - 834 Autre possibilitĂ© analyse linĂ©aire du poĂšme MorsIntroduction Le poĂšme Mors de Victor Hugo que nous allons Ă©tudier est un poĂšme de 20 vers qui nous prĂ©sente le triomphe absolu de la mort, par la description d'une atmosphĂšre d'apocalypse que les deux derniers vers ne parviennent peut-ĂȘtre pas Ă dissiper. Le poĂšme s'organise autour d'un double jeu de sensations. D'une part, la sensation visuelle, largement dĂ©veloppĂ©e dans les dix premiers vers, introduite par le passĂ© simple "je vis"; d'autre part la sensation auditive dĂ©veloppĂ©e Ă partir du verbe "crier". Nous allons faire une lecture linĂ©aire du poĂšme Mors qui s'efforcera de dĂ©velopper Ă partir de l'Ă©tude des procĂ©dĂ©s stylistiques et phonĂ©tiques ce double jeu de linĂ©aire InstallĂ© au dessus du poĂšme avec des majuscules Ă©crasantes et la tonalitĂ© d'Ă©ternitĂ© que lui donne l'utilisation du latin, le titre Mors prĂ©figure l'ensemble du texte. Le jeu initial vient donner au texte sa tonalitĂ© lyrique. Toutefois, c'est lĂ sa derniĂšre pensĂ©e du poĂšte s'Ă©largit pour prendre en compte l'humanitĂ© toute entiĂšre. La mort nous est prĂ©sentĂ©e Ă travers l'allĂ©gorie traditionnelle de la "faucheuse". Une mort qui est constamment prĂ©sente comme le suggĂšre l'imparfait, une mort que nous connaissons de plus comme l'indique le dĂ©monstratif "cette"; mais une mort qui surprend toujours, comme elle surprit le poĂšte lui-mĂȘme par l'utilisation du passĂ© simple "je vis".Le royaume de la mort nous est prĂ©cisĂ© Ă travers la mĂ©taphore du "champ" qui, dans ses accents pascaliens, rĂ©duit le monde Ă un espace limitĂ©. C'est la mĂȘme mĂ©taphore filĂ©e qui vient nous dĂ©crire l'activitĂ© incessante de la mort "moissonnant et fauchant". La rĂ©pĂ©tition des participes prĂ©sents souligne le travail rĂ©pĂ©titif, alors que le verbe "aller" nous montre qu'aucun obstacle ne peut freiner ce content de nous le dĂ©crire, Hugo nous le fait initiative des chuintantes et des sifflantes dĂ©veloppĂ©e tout au long du poĂšme Ă©voque parfaitement le sifflement sinistre de la "faulx" "faucheuse" et "champ", "moissonnant" et "fauchent", "triomphateurs" et "triomphaux", "Ă©chafaud" rĂ©pĂ©tĂ© deux fois. Dans une atmosphĂšre d'apocalypse, la mort nous est prĂ©sentĂ©e Ă partir d'un champ lexical de la peur et de la nuit "noir", "squelette", "crĂ©puscule", "ombre", "tremble" en mĂȘme temps que les gutturales "crĂ©puscule", "ombre", "dirait", "tremble", "recule" qui nous font entendre le frisson de la au spectre qui se fond dans la nuit "laissant passer le crĂ©puscule", la victime est incapable du moindre mouvement "suivait des yeux" alors que l'arme prend des allures particuliĂšrement inquiĂ©tantes, parce qu'elle est presque invisible elle aussi "les lueurs de la faulx". La mort travaille donc inlassablement, frappant d'Ă©galitĂ© l'ensemble de ses victimes. L'alexandrin hugolien se gonfle de la puissance humaine Ă©voquĂ©e par la redondance "triomphateurs", "triomphaux", "l'arc" connotant Ă©galement le cette puissance humaine qui contient d'ailleurs en elle-mĂȘme le bruit de l'arme qui doit l'abattre "faulx" est balayĂ©e par le rejet du verbe "tomber". Par un jeu d'antithĂšses, le poĂšte insiste sur le travail de la mort, l'opulence de "Babylone" s'oppose Ă l'austĂ©ritĂ© du "dĂ©sert", le lieu des supplices "Ă©chafaud" s'oppose Ă la noblesse du "trĂŽne" image Ă©galisatrice qui est soutenue par le chiasme. L'antithĂšse est Ă©galement affective de la "rose" au "fumier". Enfin, "l'or", symbole de richesse et de puissance s'oppose Ă la "cendre" qui connote la poussiĂšre et la Hugo ne peut pousser jusqu'au bout ce jeu de l'antithĂšse au cadavre de "l'enfant", il substitue sous forme d'espoir l'image aĂ©rienne et libre de "l'oiseau"; travail qui engendre la souffrance et la rĂ©volte, une souffrance qui est symbolisĂ©e par l'hyperbolique peine des "mĂšres" "les yeux en ruisseaux", rĂ©volte qui introduit la sensation auditive dominante dans la seconde partie "criaient", rĂ©volte mise en valeur par l'impĂ©ratif "rends-nous" oĂč la main semble hĂ©siter Ă se croiser ou Ă se lever, poing fermĂ© vers le ciel. Travail de la mort qui va en effet jusqu'Ă l'absurditĂ© insupportable. La cohabitation dans le mĂȘme vers des verbes "mourir" et "naĂźtre" nous confronte en effet Ă la mort de l'enfant, plus incomprĂ©hensible poĂšme se termine dans une nouvelle Ă©vocation de la peur et de l'horreur l'horreur des "doigts osseux", des "noirs grabats", des "linceuls", des "peuples Ă©perdus", de "la faulx sombre", du "troupeau frissonnant", montrent un champ lexical particuliĂšrement dĂ©veloppĂ©. DerriĂšre le vocabulaire, la musique des mots le souffle glacĂ© de la bise "vent", "froid", "bruisser", "linceul", "semblaient", "sous", "faulx", "sombre", "frissonnant", "s'enfuit", la peur phonĂ©tique des gutturales "sortaient", "noirs grabats", "froid", "bruissait", "nombre", "Ă©perdus", "sombre", "troupeau", "frissonnant", "ombre". La rime assourdie "nombre-sombre" reprise phonĂ©tiquement par le mot "ombre" contribue aussi, de par ses tonalitĂ©s mineures, Ă la tristesse du tableau. Tableau qui se termine par l'effrayante synthĂšse ponctuĂ©e par les monosyllabes "tout", "sous", "ces", "pieds", "deuil", "et", "nuit" ainsi que par la gradation "deuil", "Ă©pouvante", "nuit". La "nuit" traduit une fin brutale. La rime masculine, l'accent douloureux du "i" viennent interrompre la ici que pourrait se terminer le poĂšme, cependant, les deux derniers vers allument un espoir, qui est soulignĂ© par l'antithĂšse du vocabulaire et l'antithĂšse phonĂ©tique. Aux champs lexicaux de la chaleur et de la nuit s'opposent les champs lexicaux de la chaleur et de la lumiĂšre "baignĂ©", "douces flammes", "souriant". Au locatif "sous" s'oppose le locatif "derriĂšre elle". Aux sonoritĂ©s Ă©touffĂ©es "sombre", "ombre" s'oppose l'ouverture des voyelles "derriĂšre", "baignĂ©", "flammes", "ange", "souriant", "portrait", "Ăąmes". Enfin, Hugo rĂ©utilise la mĂ©taphore filĂ©e c'est la mort qui moissonne et c'est l'ange qui De ce poĂšme, c'est naturellement tout d'abord la vision effroyable que nous retiendrons, l'utilisation particuliĂšrement efficace des procĂ©dĂ©s poĂ©tiques, linguistiques et auditifs. Toutefois, derriĂšre le pessimisme de ce texte, que la brĂšve conclusion de parvient pas Ă dissiper, il est important de souligner que Victor Hugo est bien au bout de son long combat personnel de la mort de LĂ©opoldine. Le "moi" s'efface pour laisser place Ă une prĂ©occupation plus large, et Hugo redevient le mage et le chantre de l'humanitĂ©. Contenu sponsorisĂ©Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Mors Victor Hugo, 1856, poĂšme in Les Contemplations Page 1 sur 1Permission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forumLes Mahteux ÂŻ`._.[ La LittĂ©rature ]._.ÂŽÂŻ Pour ceux qui aiment la poĂ©sieSauter vers
VICTORHUGO : RUY BLAS : ACTE V SCENE 4 (DENOUEMENT) (COMMENTAIRE COMPOSE) " Ruy Blas " clÎt la carriÚre du grand Hugo en tant que dramaturge. Ce drame romantique écrit en vers (alexandrins), et composé en 1838, démontre tout l'art du poÚte. Notre scÚne de dénouement présente une double particularité, le héros va jusqu'au suicide
Ce que c'est que la mort - Victor Hugo LA MORT ET LE DEUILTHEME GENERAL Ce que c'est que la mort "Les Contemplations" - 1856Victor HugoRĂ©citant Michel BouquetNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ;On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă se remplir dâorgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? Câest la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ;Et soudain on entend quelquâun dans lâinfiniQui chante, et par quelquâun on sent quâon est bĂ©ni,Sans voir la main dâoĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chanteLâamour, et sans savoir quelle est la voix qui arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sentFondre et vivre ; et, dâextase et dâazur sâemplissant,Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trangeDu monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. _________________La poĂ©sie, c'est les paroles Ă©parses du rĂ©el Octavio Paz Permission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forum 3kH1.